Marie, Responsable Recrutement : Retour d’expérience sur le recrutement d’anciens militaires
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Quel est votre parcours professionnel ?
Issue d’une formation en psychologie, c’est un hasard de parcours qui m’a orientée vers le recrutement. Ayant fait mes études au moment de la réforme LMD, je n’ai jamais pu valider mon diplôme faute de place pour ma dernière année. J’ai donc recherché une passerelle professionnelle, ce qui m’a fait arriver en stage dans un cabinet de « chasse » sans trop savoir ce que j’allais y faire et sans bien comprendre les enjeux.
J’ai finalement été embauchée au bout de trois mois de stage et je suis finalement restée dix ans en cabinet de recrutement, dans des environnements majoritairement techniques et industriels. Je suis restée quelques temps en cabinet à mon arrivée à Bordeaux en 2014 (je souhaitais quitter Paris) mais je souhaitais effectuer une transition vers le milieu du recrutement en entreprise. La philosophie dans beaucoup de cabinets est que l’on y recherche avant tout des recruteurs capables d’apporter un portefeuille de clients, a minima d’en développer un très rapidement, et, accessoirement, de savoir-faire du recrutement. Je le constate d’autant plus en étant passé du côté entreprises : les bons recruteurs en cabinet ne courent pas les rues et rares sont les cabinets où l’on ne vous demande pas de développer votre business en parallèle du recrutement.
Il faut d’ailleurs noter que le “après” n’est pas du tout présent en cabinet car on « largue » quelqu’un chez un client
J’ai donc rejoint le groupe GT Logistics où tout était à créer à mon arrivée. En effet, la fonction “recrutement” n’existait pas car tout était jusqu’à lors externalisée. J’ai alors pris l’enjeu du recrutement sous le prisme de la gestion de l’Humain avec tout ce que cela comporte dans le “avant”, le “pendant” et le “après”. Il faut d’ailleurs noter que le “après” n’est pas du tout présent en cabinet car on « largue » quelqu’un chez un client, on le suit six mois, voire un peu plus pour ceux avec lesquels on s’entend le mieux. Hormis en voyant les évolutions qui peuvent apparaître sur LinkedIn, je n’ai pas eu l’opportunité de voir en cabinet ce qu’il se passe pendant le “après” et c’était donc un élément de motivation pour moi à rejoindre l’entreprise.
J’avais besoin d’avoir une vision plus globale tant de l’expérience candidats que de l’expérience collaborateurs et de la mettre en œuvre au sein de cette structure familiale. L’objectif était alors pour moi de comprendre la culture et l’ADN de l’entreprise, les enjeux des postes (notamment sur les managers de sites pour lesquels nous avons fait énormément de recrutement les trois premières années) et de m’insérer en transverse dans la structure.
L’organisation est très éclatée avec un siège et 45 sites répartis partout en France. Chacun travaillant à distance avec tout le monde, il me fallait trouver le bon mode de fonctionnement pour créer de bonnes relations dans une fonction qui n’existait pas jusqu’à maintenant. Les managers ayant pour habitude de déléguer leurs besoins à un cabinet, j’ai dû créer 100 % de la politique recrutement, que je l’outille et que je prenne ma place en tant que référent recrutement sur l’ensemble du périmètre de l’entreprise.
Quelle est l’activité de votre entreprise ?
Créée en 2001, GT Logistics est spécialisée en sous-traitance logistique industrielle et appartient à un groupe plus large composée de plusieurs filiales d’activité. Nous gérons tout ou partie des flux inhérents aux activités de production de nos clients et travaillons pour tout type de clients industriels : agroalimentaire, métallurgie, automobile, aéronautique, papeterie, cosmétique, etc. A noter que nous intervenons aussi sur de la logistique de distribution, plus classique, mais cela reste minoritaire.
Sur les 45 sites, seuls 3 sites nous appartiennent en propre. En effet, nos interventions sont à 99% in situ : nous créons une équipe opérationnelle complète que l’on implante sur le site du client pour gérer les périmètres qui nous ont été délégués. Nous sommes donc dans un environnement contraint par les règles, les réglementations et l’organisation du client. Bien que nous soyons chez les clients, les valeurs prônées auprès de de nos collaborateurs sont celles de notre entreprise. A chaque manager de faire en sorte que nos modes de fonctionnement, nos valeurs et notre ADN s’accordent et fonctionnent avec l’environnement du client.
Nous avons des clients qui ont des cultures d’entreprises parfois différentes de la nôtre. GT Logistics s’implante en étant GT Logistics, avec l’ensemble du cadre de valeurs qui nous définit et s’il y a des choses qui ne fonctionnent pas correctement, c’est à nous de monter au créneau pour maintenir notre cadre. Nous souhaitons rester alignés avec ce que l’on est et ce que l’on souhaite être.
Qu’est-ce qui vous a amené à recruter des anciens militaires ?
Un partenariat avec Défense Mobilité existait déjà à mon arrivée. Notre président étant lui-même très intégré dans ces milieux, il était très friand pour favoriser le recrutement de ces profils. Il n’y a pas eu de démarche très active de ma part car je ne cherche pas à recruter spécifiquement tel ou tel type de profil : je ne recherche donc pas de profil militaire en particulier car nous restons large dans l’approche des profils qui nous intéressent.
Cette règle générale a des exceptions car nous intervenons sur des environnements où les profils militaires peuvent être particulièrement appréciés comme celui de la défense et plus globalement sur les secteurs nécessitant une habilitation particulière. Pour les secteurs cités, nous allons avoir une démarche plus en proximité avec Défense Mobilité car jusqu’à maintenant, nous approchons les profils militaires essentiellement par ce biais. La philosophie reste la même pour tous nos recrutements : on diffuse automatiquement nos annonces auprès de différentes institutions, comme Défense Mobilité. Les retours face à notre besoin sont aléatoires, nous avons souvent assez peu de profils proposés.
Sur quel type de poste avez-vous pu recruter des anciens militaires ?
Tout type de poste ! Nous avons des anciens militaires sur tous les postes liés aux opérations logistiques : opérateurs, leaders, chefs d’équipe, managers de site, etc. Ils sont inévitablement moins présents sur les fonctions support et ainsi que sur les relais transverses en local (ex. ingénieurs méthodes et QHSE).
Comment se sont passées les process de recrutement pour ces profils ?
Pour ma part, je n’ai recruté qu’un ancien militaire (les autres étaient déjà présents dans l’entreprise à mon arrivée). Pour ce cas précis, je me souviens d’une importante motivation : il est venu par toutes les fenêtres en candidatant à partir de l’annonce, en me contactant par LinkedIn, etc. Je me suis dit qu’il avait l’air d’avoir très envie ! Défense Mobilité nous accompagnait dans ce cadre-là et m’a invité à prendre du recul sur ce profil qui me paraissait clairement surdimensionné par rapport à ce que l’on cherchait. A la lecture du CV, je ne l’aurais pas appelé.
Il avait, au sein des armées, géré de grosses opérations avec des équipes assez importantes. Il avait aussi, durant sa transition civile, touché à beaucoup de choses dans différents contextes plus élargis, alors que nous proposions un petit périmètre avec quatre personnes à manager ainsi qu’un contexte client assez classique. Mes craintes étaient l’ennui pour lui à ce poste-là et des prétentions salariales au-delà de notre budget.
Or le retour que j’ai pu avoir par Défense Mobilité, qui confirmait les éléments de motivation que posaient le candidat, a créé la rencontre et l’adéquation. Le financier n’était clairement pas son levier de motivation premier.
Il avait envie de se poser et souhaitait fortement rester dans sa région, où il y avait peu d’opportunités pour un profil comme lui. Ce que l’on proposait s’accordait finalement bien à ce qu’il avait fait, il avait déjà la composante managériale, essentielle pour nous sur nos postes de manager de sites. Il a bien fait d’insister et nous avons bien fait d’ouvrir nos œillères ainsi que nos oreilles car c’est au final un profil parfait pour le contexte proposé !
Comment s’est passée son intégration ?
Etant partie en congé maternité quinze jours après la finalisation de son contrat, je n’ai pas beaucoup de visibilité. Il faut noter que l’intégration est la même pour tous nos managers de sites avec un parcours qui propose une période sur un autre site et quelques jours au siège. J’ai aussi, avec chacun, des points d’étape durant les trois premiers mois (en l’occurrence c’est mon remplaçant qui s’en est occupé).
Il s’est intégré très rapidement au mode de fonctionnement de l’entreprise, à nos process et à nos outils. C’est un profil qui a tout de suite été dans le bon alignement et dans la réponse aux sollicitations de ses interlocuteurs à distance. Il s’est très vite mis dans une bonne dynamique pour répondre aux attentes côté client.
Quelles facilités et difficultés avez-vous pu rencontrer pour la montée en compétences de ces profils ?
Sur des postes de leader ou de chef d’équipe, il est parfois nécessaire de maîtriser des outils comme SAP ou Excel et ce, sur des fonctionnalités avancées et nous avons eu pour quelques anciens militaires des difficultés sur la partie “outils”, malgré de bonnes compétences opérationnelles. Nous avons récemment eu le cas, dans un contexte de mobilité interne, où le profil ainsi que sa connaissance du métier visé étaient intéressants, mais l’outil manquait et nous n’avions pas le temps d’attendre qu’il atteigne un bon niveau de maîtrise. Bien entendu, je ne parle que de quelques cas et je n’en ferai pas de généralité.
Quel serait selon vous les points de vigilance que doit identifier un manager lorsqu’il intègre un militaire dans son organisation ?
Il est d’abord nécessaire pour le manager qui recrute d’avoir une bonne capacité d’évaluation et être conscient du niveau de compétences de la personne que l’on intègre (tant sur le plan opérationnel que sur celui des outils par exemple). A partir de-là, il faut avoir la bonne variable d’ajustement, voire d’accompagnement et de formation si c’est indispensable pour l’intégration du collaborateur. C’est pour moi une règle de base pour n’importe quel recrutement
En fonction des cultures d’entreprise, il est aussi nécessaire de savoir ajuster la culture militaire (il y en a d’ailleurs probablement plusieurs). Il n’y a pas en entreprise les mêmes modes de relation et de fonctionnement car les choses sont beaucoup plus formelles et cadrées dans l’environnement militaire (ce qui peut d’ailleurs très bien se retrouver dans certaines entreprises). Il y a des cultures d’entreprise où les modes de management vont être beaucoup plus différents et l’on en revient toujours au même sujet : il est nécessaire d’être conscient d’où l’on part, qu’elle est la cible et quel est le chemin qu’on va proposer pour accompagner la nouvelle recrue dans cet environnement pour lequel il a été choisi.
J’ai aussi un exemple, à nouveau dans un contexte de mobilité interne, d’un salarié qui a aujourd’hui des responsabilités managériales (il en avait aussi eu durant sa carrière militaire). Il m’expliquait la difficulté pour lui de maintenir cette dimension managériale avec le problème du “tout venant” : dans le civil, un manager gère souvent les problèmes de M. Robert parce qu’il ne s’est pas levé du bon pied, parce que Mme Michu lui a mal parlé, ou parce qu’une personne ne lui a pas dit bonjour le matin en arrivant. Les gens “font” dans l’environnement militaire, il n’y a pas fondamentalement de question à se poser car le cadre est posé, tout le monde suit la même direction et il n’y a pas à traiter les petits problèmes sociaux de chacun. Il s’avère que cela le fatigue dans sa mission de manager et il souhaite à présent s’en extraire.
Je pense que la dimension du management est un vrai point de vigilance car le raccourci peut être très vite fait
On a beau avoir guidé des équipes dans un environnement militaire, ce n’est pas si directement transposable en entreprise car on n’y gère pas les mêmes problématiques et enjeux. Je pense que la dimension du management est un vrai point de vigilance car le raccourci peut être très vite fait en se disant « c’est bon il a guidé 500 personnes en opérations spéciales, il va bien gérer correctement les 20 employés sur son petit site ».
Non, la notion du management n’est pas la même : les 20 personnes en question peuvent être bien plus compliquées à guider et à accompagner au quotidien que les 500 militaires où chacun savait ce qu’il avait à faire. J’entends parfois autour de moi des personnes qui transposent très facilement ces profils militaires à nos postes de management. Je ne suis pas si convaincue de l’automatisme qu’il faut mettre derrière cette réflexion. Ce n’est pas parce qu’on a été un bon manager militaire qu’on sera un bon manager dans le civil.
Qu’est-ce que le côté « militaire » a pu apporter au sein de votre organisation ?
La loyauté et l’engagement : l’état d’esprit qu’ont ces anciens militaires fait qu’ils s’inscrivent dans la pérennité. Ils ont la capacité à poser les alertes et quand ils ont un souci, ils ne vont pas rester à s’enterrer tout seul dans leur coin. Ils remontent le problème lorsque cela ne va plus et ce, même si c’est par rapport à eux, que le rôle ou la mission ne leur convient plus, ou parce qu’ils se rendent compte qu’ils ne sont pas en capacité de gérer un sujet. Ils ne vont pas laisser le sujet s’embourber. Cela peut faire « cliché » mais l’honnêteté et la franchise sont des éléments forts, il s’agit de profils qui ne tortillent pas autour d’un sujet.
La notion de reconnaissance est aussi forte. Pour ces personnes, la transition vers le monde de l’entreprise n’a pas forcément été évidente car elles sont inévitablement confrontées à beaucoup de barrières et de freins du côté des entreprises. Pour ce qui est de la personne que j’ai recrutée, elle est très reconnaissante de l’opportunité qu’on lui a offerte. Formidablement heureux d’être arrivé chez nous, toutes les notions d’engagement et de loyauté n’en sont que décuplées par la conscience que tous les militaires n’ont pas la chance de trouver une opportunité dans le civil et par-dessus le marché, la bonne opportunité.
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