Article | Entreprise : les bonnes raisons de recruter d’anciens militaires

Article publié sur le média Figaro Emploi : clic

20.000 hommes et femmes sortent chaque année de l’armée française. Un vivier de talents insoupçonnés pour les entreprises face aux tensions de recrutement.

Après 21 ans de service dans la Marine au cœur des forces spéciales dont l’illustre commando de nageurs de combat, Christophe*, 44 ans, a senti que le temps était venu de partir. Comme lui, 20.000 hommes et femmes quittent les rangs des armées chaque année pour commencer une seconde carrière dans la société civile. «Le sujet de leur reconversion est un véritable enjeu, explique Quentin Bériot, directeur général d’Unéo, opérateur mutualiste pour les militaires. Pour convaincre de s’engager, il faut fidéliser et cela passe par l’assurance de bénéficier d’un accompagnement après l’armée

Le 14 septembre dernier, avec l’association de soutien et d’accompagnement aux familles de soldats, Hyperion Défense, Unéo a organisé à Nice (Alpes-Maritimes) les premières rencontres militaires & entreprises, en présence de représentants des deux mondes. Objectif : sensibiliser les employeurs de la région aux atouts offerts par les profils d’anciens militaires et des réservistes – la Garde Nationale en dénombre 76.000.

«Aujourd’hui, un militaire et une entreprise se regardent sans toujours se comprendre. Il faut contribuer à créer un pont entre les deux », milite Quentin Bériot, ancien enseigne de vaisseau lui-même. «Les armées forment et emploient dans plus de 400 métiers, ce qui en fait un réservoir de personnel qualifié. Par ailleurs, la représentation du militaire qui fait toute sa carrière dans l’armée ce n’est pas la norme, la plupart en sorte après des contrats courts et ont moins de 30 ans. On y apprend la cohésion, ce qui fait que le travail en équipe est un acquis, on y développe le leadership, la rigueur, la fiabilité, l’efficacité.»

Autant de bases comportementales recherchées en entreprise. Ce type de profil est idéal en management car dotés d’une capacité d’adaptation et d’une persévérance appréciable, ajoute Quentin Bériot. «Dans l’aquarium entreprise, ils diffusent leur compétence et leur savoir être.»

Sang-froid et anticipation

Face aux difficultés de recrutement actuel, ce vivier de candidats, souvent sous estimés, est une aubaine pour les entreprises, encore faut-il qu’elles y aient accès afin d’élargir leur politique RH aux ressources militaires. «Les tensions géopolitiques remettent l’armée au cœur de l’actualité », souligne Pierre Ipollito, président du Medef 06 et participant à l’évènement de l’Uneo. «Avec la CPME, nous accélérons nos engagements : soutenir la réinsertion militaire et mettre en valeur les réservistes. L’armée est un vivier potentiel avec lequel nous devons travailler, comme pôle emploi.»

Christophe, l’ancien nageur de combat, présent lui aussi lors des rencontres militaires & entreprises, est aujourd’hui responsable d’un site logistique chez Mondial Relay où il dirige une centaine de personnes. Un travail de management pour lequel il met en pratique ce qu’il a assimilé au gré de sa vie de soldat : garder son sang-froid lors de situation délicate avec un prestataire, anticiper les problèmes à venir… «C’est totalement quelque chose que j’ai appris à l’armée, prévoir le coup d’après. Quand tout est OK, on anticipe d’où un problème peut venir, on étudie le cas dit non conforme», explique-t-il. Il met aussi en pratique l’art de la négociation, acquise au cours de ses missions. «J’ai appris à faire du conversationnel, à décrypter le comportement de la personne en face de moi. C’est utile lors d’un appel d’offres où je dois négocier des tarifs.»

Grande agilité

Pour sa reconversion, il a été accompagné par Pépite, un cabinet de recrutement spécialisé sur les profils d’ancien militaire, partenaire de l’évènement et qui s’est donné une mission : proposer des postes à responsabilité et casser les clichés du militaire reconverti dans la sécurité. «Il y a une sorte d’hermétisme entre le monde des armées et des entreprises», regrette le fondateur Clément Têtu, ancien lieutenant et réserviste. «Depuis que j’ai quitté les commandos marine, au-delà du côté guerrier, j’ai découvert des hommes avec une grande agilité. Mais j’ai remarqué qu’ils allaient vers des jobs qui sous-estimaient leur potentiel… C’est du gâchis. Je me suis dit, ces profils, dans le monde de l’entreprise, ça peut faire un malheur!»

Il a ainsi placé un ancien gradé de la Marine à un poste de chef de base aux Bahamas, en charge d’une flotte de yacht pour une société internationale, ou encore un pompier de Paris à un poste de responsable dans une société de déménagement.

Logistique, transport… Les possibilités de reconversion sont légion. «Je ne vais pas m’exonérer de ces profils», témoigne Betty Seroussi, dirigeante de Travel Planet – agence de voyages d’affaires qui a participé aux rencontres entreprises et militaires, après une rencontre fortuite avec un organisateur. «Recruter un ancien militaire ? Je n’aurais jamais exploré cette ressource si ça n’avait pas été par hasard… Maintenant, j’y songe vraiment. À Travel Planet on vend 2500 billets par jour. Comme nous avançons tous les fonds, le pointage est essentiel : si on ne facture pas nos clients correctement, si on oublie une virgule ou un fichier, ça coûte plusieurs millions… Sur ce poste j’ai besoin de rigueur et de discipline. Cela collerait bien avec un ancien militaire.»

*Le prénom a été modifié