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Par lassitude ou simple envie d’ailleurs, après des années en tant que militaires, ils ont décidé de se lancer dans une carrière civile. Romain et Cédric nous racontent leur reconversion : entre découverte des processus de candidatures, négociation de salaire et adaptation au monde de l’entreprise privée, leurs parcours a parfois été semé de quelques embûches mais ils ont réussi à valoriser leurs expériences militaires afin de séduire des recruteurs.
Prendre la décision de partir
Sa démission vient d’être actée. À 38 ans, Romain s’apprête à quitter l’armée dans les prochains mois. Un saut dans l’inconnu pour l’ancien soldat, après 20 ans de service. Rentré dans l’armée à 18 ans, il a connu les zones de conflits et les départs pendant quatre à six mois loin des siens. Ces dernières années, il était même devenu responsable de formation pour former les unités aux opérations à l’étranger.
Malgré cette carrière riche, le soldat commençait à ressentir une certaine lassitude : « L’armée c’est un univers passionnant, toutes les catégories sociales sont confondues, vous pouvez exercer beaucoup de postes différents mais c’est une vie contraignante, je trouve qu’il y a énormément de sacrifices à faire au niveau de sa famille. Quand on est combattant, on mène une vie assez égoïste.» Devenu père, Romain n’avait plus envie de risquer sa vie. Actuellement, il passe des entretiens pour des postes dans le civil.
Pour Cédric, le grand saut s’est fait il y a quatre ans, après 20 ans de service au sein des forces d’élites de la Marine où il occupait le poste de nageur de combat. « Je sentais qu’il était temps de partir, je ne me sentais plus en phase avec les décideurs et je ne me retrouvais plus dans des ordres que je savais ne pas être opportuns ». Une proposition de travail dans une entreprise civile lui offre une porte de sortie rapide sans avoir besoin de lancer sa recherche d’emploi, mais l’expérience tourne court. « En sept mois, la start-up a licencié tout le monde car le projet n’était pas viable ! » Cédric se retrouve donc sur le marché du travail « sans aucun codes » et entame « une traversée du désert » de près de deux ans avant de trouver son poste actuel.
La difficulté de trouver une nouvelle voie
« À l’armée, on touche un peu à tout, c’est difficile de savoir vraiment ce que l’on veut faire après » confie Romain. « Comme j’étais combattant, je me retrouvais parfois aussi à faire de la maçonnerie. Par exemple, en Côte d’Ivoire, j’ai construit un dispensaire pour la population sur place. » Passionné de cuisine, il hésite aussi un temps à en faire son métier. « Je me suis fait aider par d’anciens militaires, je suis passé notamment par l’Antenne Défense Mobilité pour être conseillé dans mon projet, il ne faut pas hésiter à solliciter l’aide des réseaux d’anciens militaires, ils se sont montrés très disponibles pour répondre à mes questions. » Finalement, c’est vers la gestion d’équipe que l’ancien soldat s’oriente.
« En fait le problème c’est qu’on n’a pas conscience de nos compétences acquises pendant l’armée, donc c’est difficile d’identifier un domaine dans lequel on a envie de travailler » explique Cédric. Après sa brève première expérience professionnelle, l’ancien nageur de combat s’oriente naturellement vers le monde de la plongée, en tant que gérant d’un centre puis moniteur, mais reste toujours à la recherche d’un poste à responsabilités. Après plusieurs candidatures restées sans réponses, il finit par contacter le cabinet Pépite, spécialisé dans le recrutement de profils d’anciens militaires et fondé par un ancien de l’armée, Clément Têtu.
Réussir l’épreuve des candidatures
En 20 ans de carrière à l’armée, Romain comme Cédric n’avaient jamais réalisé de CV. Grâce à l’aide du cabinet, ils ont appris les bases de la rédaction de ce document indispensable au recrutement en entreprise. « Avant d’être conseillé par Pépite, j’avais envoyé près de 100 CV » raconte Cédric qui ne savait pas comment valoriser son expérience de nageur de combat : « Quand on arrive à Pôle-Emploi et qu’on dit : j’ai posé des mines sous des bateaux, j’ai sauté en parachute, votre conseiller vous répond : ok c’est très bien mais que pouvez-vous faire maintenant ? En fait je me suis rendu compte que j’avais beau avoir des compétences militaires extraordinaires, personne ne m’attendait dans le monde civil ! »
Même difficulté pour Romain, l’ancien soldat de l’armée de Terre : « Je n’avais jamais fait cet exercice. Au début, je ne savais pas comment adapter mon écriture. Heureusement lors d’un de mes premiers entretiens, je suis tombé sur un recruteur sympathique qui a pris le temps de décortiquer tout mon CV pour faire ressortir mes qualités pour le poste ! Je n’ai finalement pas été recruté mais ça m’a redonné confiance !
Depuis, grâce aux séances de coaching du cabinet spécialisé, Romain a appris à synthétiser ses propos lors des entretiens et à valoriser son expérience. « J’ai même découvert le concept de l’elevator pitch, une présentation très courte dans laquelle on fait le point sur sa carrière et on explique ce que l’on peut apporter à l’entreprise ! » Cédric, lui, a réussi à mettre des mots sur son CV militaire : « Au début, j’écrivais la mention « gestion d’une compagnie », mais ça ne veut rien dire en dehors de l’armée. À la place, j’ai souligné mes compétences en management, et en fait j’ai réalisé que je faisais de la gestion de projet parfois même à plusieurs centaines de milliers d’euros ! »
Entretien : comment apprendre à se valoriser ?
« Quand on est militaire, on ne sait pas se vendre, d’ailleurs les gens qui se mettent trop en avant ne sont pas très bien vus à l’armée. Quand on est devant un chef, mieux vaut éviter trop d’autosatisfaction ! » confie Romain. Tous les deux ont donc appris à prendre conscience de leurs atouts, principalement de leurs compétences en management.
La question du salaire en entretien est une découverte totale pour les deux militaires. « Le fait de s’auto-évaluer c’était totalement nouveau pour moi ! Il n’existe pas de négociation de salaire à l’armée, soit vous avez des qualifications pour prétendre à plus, soit vous ne les avez pas, on suit une grille salariale et c’est tout ! » révèle Romain qui ne savait pas du tout à quel niveau de rémunération il pouvait prétendre pour un poste dans le privé. « Quand on est militaire, on est pas du tout confronté au système économique, il faut être très vigilant là-dessus quand on se reconvertit, je pense m’être fait exploiter dans le monde civil lors des mes premières expériences parce que je n’avais pas conscience de ça ! » renchérit Cédric.
Actuellement, l’ancien commando marine est responsable d’agence pour une grande entreprise de logistique et gère au quotidien une centaine de salariés. Un poste qui s’inscrit dans la suite logique de son expérience militaire : « J’ai retrouvé tout ce que je savais faire à l’armée : management, anticipation et travail dans l’urgence ». Son expérience de nageur de combat lui sert même au quotidien dans son travail : « J’étais habitué à prévoir ma mission pour aller d’un point A à un point B mais je prévoyais aussi toujours les cas non conformes, c’est-à-dire les imprévus, ce qui m’a permis d’anticiper récemment un problème avec un prestataire, je n’avais pas trop confiance en lui donc j’ai préféré en rechercher un nouveau en parallèle, ce qui nous a permis de ne pas nous retrouver dépourvu quand le premier nous a lâché comme je l’avais prévu ! »
Très heureux à ce poste, Cédric estime qu’il aurait dû mieux anticiper son départ de l’armée pour s’éviter ces deux années difficiles : « Je dirais qu’une reconversion, ça se prépare un an avant, il faut se faire accompagner et il faut être prêt à ce changement de vie, accepter de sortir d’un monde où tout est prévu et où on est pris en charge tout le temps, personne ne vous attend à la sortie ! »
Malgré les difficultés, Cédric comme Romain n’ont pas de regrets par rapport à leur reconversion mais garderont de l’armée, le souvenir d’une école de la vie qui leur a offert un cadre de pensée et de solides compétences adaptées aux besoins des entreprises, des atouts qu’ils ignoraient jusqu’à présent !