Article | 7 idées reçues sur le recrutement d’anciens militaires en entreprise

Malgré de multiples reportages télévisés ou encore de publications de livres, le monde des Armées est assez peu connu du monde civil (et vice versa). Cela est en particulier dû à une forme d’hermétisme entre ces deux environnements, suite entre autres à l’interruption du service militaire. Bien que des évolutions sont à noter, un certain nombre d’entreprises peinent encore à recruter d’anciens militaires, et ce souvent par méconnaissance de leur état d’esprit et de leur environnement de travail.

1. Les militaires ne sont pas adaptés au monde de l’entreprise

La vocation d’une armée est naturellement différente de celle d’une entreprise privée où la recherche de la rentabilité est un pilier fondamental. Cependant, la spécificité de l’institution militaire est qu’elle nécessite que ses troupes soient en mesure d’assurer en une seule fonction plusieurs métiers “civils” : encadrement de jeunes recrues, gestion d’un parc automobile, maintenance de matériels, contrôle de l’hygiène d’un site, organisation des plannings, etc. 

 De plus, un parcours au sein des armées implique que le militaire ait à changer régulièrement de fonctions et même d’affectation au cours d’une même carrière (formation interne, R&D, gestion budgétaire, etc.). A l’instar de certains “graduate programs”, ce mode de fonctionnement permet aux militaires de s’ouvrir au maximum d’enjeux pour avoir une vue d’ensemble pour performer au sein d’une institution en constante évolution.

 Véritable couteau-suisse, le personnel des armées est conditionné pendant toute sa carrière à se diversifier et à acquérir de nouvelles compétences. En effet, lorsqu’un militaire n’est pas en mission, il est en formation afin de soit approfondir une expertise, soit développer un nouvel atout). Ceci s’avère être un réel avantage en entreprise en particulier lors de prises de poste où les passations sont complexes. Dotés d’une excellente approche pratique, les anciens militaires sont adaptés pour monter rapidement en compétences sur un poste en vue de devenir autonome.

2. Les militaires sont psychorigides

La discipline est un pilier fondamental des armées. Loin du stéréotype de l’organisation sclérosée par les règles, cette discipline se matérialise par un ensemble de processus qui permettent aux individus de s’affranchir de questions parasites lors de situation de haute intensité. Grâce à cette structure et à une application disciplinée, chacun sait ce que l’autre doit et va faire : le militaire peut alors se concentrer sur les prises de décision clés.

 Avec l’augmentation du nombre d’employés, de transversalité entre les services et les interactions entre Business Units, les problèmes de synchronisation deviennent de plus dangereux pour les entreprises et apportent une forme de viscosité dans la prise de décision. L’expérience des anciens militaires leur permet de proposer une organisation solide mais néanmoins agile, pour ramener le maximum de fluidité dans l’entreprise.

 La structure que peut apporter un ancien militaire n’aura jamais pour objectif de scléroser les activités car une armée ne peut se permettre d’être immobile face au feu ennemi. Au contraire, la structure apportée permettra d’avoir le moins de questions à se poser pour les activités du quotidien des différentes parties prenantes internes. L’armée ne fonctionnant pas en silo (chacun travaille pour l’autre), cette approche pragmatique est particulièrement pertinente pour les jeunes entreprises en fort développement cherchant à structurer leur fonctionnement tout en gardant de la flexibilité.

3. Les militaires manquent de sens d’initiative

Le schéma militaire fonctionnant sur la base d’ordres “descendants” émanant de la hiérarchie peut être vu comme en complète contradiction avec toute recherche de proactivité au sein des troupes. Une des qualités sur laquelle est jugée une jeune recrue est sa “décoince” (expression purement militaire) : devancer le plus possible tout besoin du chef avant même qu’il soit émis et ce, dans le but d’être réactif dans le feu de l’action.

 Les armées sont structurées afin que la décision finale revienne au Chef, car il dispose de la hauteur nécessaire sur l’action afin de prendre le meilleur choix “dans son ensemble”. Cependant, face à une situation très complexe, un soldat n’aura pas forcément le temps d’en référer à son Chef et se devra de prendre une décision rapidement en analysant efficacement l’environnement et surtout, en prenant le lead sur la situation et ce, quel que soit son niveau (“la fonction prime sur le grade”).

 La vie d’un militaire en opérations ressemble finalement à une ligne de crête : il sait à la fois être force de proposition en mettant à profit son propre retour d’expérience pour trouver des solutions, mais il sait aussi mettre sa susceptibilité de côté pour faire primer l’intérêt commun et appliquer les décisions prises par le top-management dans un but de performance collective.

4. Les militaires ne sont pas ouverts d’esprit

Les militaires peuvent parfois être perçus comme des personnes obtus du fait qu’ils agissent dans un cadre. Pourtant, ce cadre est bien plus souple qu’il n’y paraît et doit être réinventé en permanence pour faire face à une évolution d’une rapidité sans précédent des menaces et de la donne internationale.

 Par ailleurs, l’armée est probablement l’une des institutions où la mixité sociale, géographique et générationnelle est la plus forte.  Dans ce contexte, les sous-officiers sont par exemple reconnus pour leur capacité à faire habilement le lien entre les jeunes recrues et le top-management.

 Enfin, les militaires interviennent continuellement dans un environnement multiculturel dans lequel chacun doit composer avec différentes manières d’agir. Lors d’OPEX (opérations extérieures), il n’est pas rare de voir plusieurs armées coopérer ce qui nécessite tant de faire converger les méthodes de travail que de comprendre et respecter les us et coutumes de chacun.

5. Les militaires ne remettent pas en cause leurs méthodes

Un Général disait dans une interview : “La Légion ne change pas car elle s’adapte en permanence”.  Après chaque opération est organisée une phase de retour d’expérience (RETEX ou REX) permettant d’améliorer le dispositif en évaluant son efficacité au contact des réalités et en proposant des solutions aux déficiences constatées (il y a même dans certaines unités des cellules dédiées).

 Chercher l’excellence est incontournable si l’on souhaite garder l’ascendant et de l’avance sur son adversaire. Ainsi la célèbre maxime “faire autrement” utilisée au sein des forces spéciales françaises fait parfaitement échos avec le “think outside the box” que l’on retrouve souvent en entreprise.

6. Les militaires ne sont pas en mesure de faire face aux défis “business”

Du fait qu’elle soit une institution, l’armée ne fonctionne pas dans une logique de rentabilité d’où un manque initial de culture “business”. Cependant, on y trouve d’excellents gestionnaires. Pâtissant d’un manque de moyens chronique, il est demandé aux militaires de savoir faire beaucoup avec peu. Cette capacité à être “créatif” est fortement apprécié dans les entreprises qui bénéficient de moyens limités pour atteindre leurs objectifs.

 A défaut de ne pas prendre les choses sous l’angle “business” au sein des armées, les militaires disposent en revanche d’une approche “orientée résultat” comme on peut le constater dans l’efficacité avec laquelle ils peuvent être déployés en mission et rapidement opérationnels. L’expérience montre que ce “level of readiness” propres aux anciens militaires est particulièrement apprécié par les entreprises qui souhaitent exécuter une stratégie ambitieuse.

 Pour atteindre ces résultats, les militaires sont capables d’absorber une charge de travail et de stress importante, comme en témoignent leurs dispositions à rester sur le qui-vive pendant de longues périodes en missions. En cette période de crise de Covid-19, où les économies sont mises à rude épreuve, la résilience dont font preuve les anciens militaires dans des conditions complexes est un atout non-négligeable.

7. Les militaires manquent d’écoute et d’empathie

Le fondement qui fait l’efficacité d’une unité militaire est la cohésion : chacun doit pouvoir s’appuyer sur l’autre pour la réussite d’une mission. Pour ce faire, il est indispensable de créer du lien et de la solidarité entre les différents membres d’une équipe.

 Cela repose d’une part par la pédagogie : expliquer les tenants et aboutissants de l’action à tous les niveaux de responsabilités. Ce qui fait parfaitement écho avec les enjeux d’entreprises autour de la quête de sens au travail. Il faut aussi noter que l’autorité présente au sein des Armées n’est pas sans laisser une place très importante au management participatif.

Cela passe d’autre part par l’écoute de l’autre lorsque l’équipe se retrouve dans l’adversité. Par exemple, sur un bâtiment de la Marine Nationale, chaque manager se doit d’être proche de ses troupes pour prendre en compte les différentes sensibilités et que, malgré le stress de la mission, la situation reste sereine dans un environnement où les marins sont confinés 24/7.

Conclusion

Les grillages entourant et rendant inaccessibles les sites militaires symbolisent bien le fait que les entreprises ne sont pas naturellement incitées à se tourner vers les profils issus des armées pour leurs recrutements et ce certainement par méconnaissance.

 En cette période de crise particulièrement critique, les anciens militaires sauront apporter leur expérience hors-norme à l’entreprise et offrir un point de vue nouveau dans le but d’être et durer.