Militaires : 6 conseils pour réussir son intégration en entreprise

Militaires : 6 conseils pour réussir son intégration en entreprise

Après être passée par les différentes épreuves de recrutement et avoir réussi à décrocher un job, une part finalement non-neutre d’anciens militaires se retrouvent confrontés à un “échec mission” au cours de leur période d’essai. Bien entendu, certains (mais une minorité) éprouvent des difficultés chroniques d’adaptation au monde de l’entreprise. Le manque de réussite face au challenge des 100 premiers jours est souvent la conséquence d’un mauvais alignement vis-à-vis de l’environnement de l’entreprise.

Que ce soit durant des projections de troupes depuis des bâtiments de la Marine Nationale ou encore lors de largages de parachutistes depuis des aéronefs de l’Armée de l’Air et de l’Espace, tout militaire a pu constater durant sa carrière des modes de fonctionnements et des états d’esprit variant entre chacune des armées. Ces différences se retrouvant même parmi les nombreuses spécialités d’une même armée ! Et pourtant, chacun parvient à s’adapter aux spécificités de l’autre pour la réussite de la mission.

Ainsi cet article a vocation à traiter certains piliers incontournables pour mettre toutes les chances de son côté dans cette phase ô combien importante de l’intégration en entreprise.

1. Éviter de penser l’entreprise comme l’armée

Le premier élément à prendre en compte est une vision différente de l’engagement. Au sein des armées, le sens de la mission ou plutôt du service est intangible. Pour cela, les militaires se donnent cœurs et âmes à leur unité. Cela se traduit d’une part par le fait que les ordres émanant de la hiérarchie sont parfaitement respectés et d’autre part, qu’il est attendu d’un militaire qu’il puisse faire montre de disponibilité 24/7 et ce, avec pour fil directeur la réussite  de la mission.

Ainsi, des militaires peuvent se retrouver confrontés à une forme d’irritation ou de malaise lorsque leurs collègues en entreprise contestent des directives et orientations par exemple. De même, certains managers et entrepreneurs issus du monde militaire peuvent interpréter le départ volontaire d’un employé comme un drame personnel voire une trahison. Cela est principalement dû au fait que la notion de travail en équipe est forte au sein des armées. Or, il faut intégrer le fait qu’un collaborateur n’est pas marié à son entreprise, qu’il peut envisager son travail que de manière alimentaire ou comme un tremplin vers d’autres responsabilités. Dans ce contexte, la notion de cohésion peut être tout à fait autre.

De plus, malgré les nuances entre chacune des armées, les militaires sont de manière globale éduqués selon un schéma finalement assez uniforme avec un même objectif la réussite de la mission. Que ce soit du fait des différences de leviers de motivation et surtout de parcours de formation (ex. école de commerce ≠ école d’ingénieur), chacun des collaborateurs d’une même équipe dispose de son propre schéma de pensée. Ainsi, il est nécessaire pour bien se positionner de faire l’effort de comprendre la variété de matrices de réflexion au sein de son entreprise. D’où la nécessité d’observer, et sans jugement, son environnement de travail pour s’y positionner habilement et surtout de manière durable.

2. Savoir donner le temps au temps

Tout militaire a pu constater la difficulté de se positionner dans le secteur privé, en particulier lors d’une reconversion où le fait de « se vendre » est loin d’être une formalité. En effet, il est assez logique qu’un personnel issu des armées veuille prouver à son entreprise qu’elle a fait le bon choix et ce, en montrant l’étendue de son potentiel et de ses capacités mais ce, avec maladresse (laquelle est souvent le fait d’une forme naturelle d’enthousiasme).

Ayant évolué dans un environnement où la mission prime, certains militaires peuvent tomber dans le travers de vouloir trop bien faire. Cela se traduit par exemple par le fait de ne quitter son travail qu’après avoir bouclé le soir même l’ensemble de ses dossiers. Cette conscience professionnelle naturelle est tout à fait louable mais, il est absolument nécessaire de savoir dissocier l’urgent de l’important relatif au monde de l’entreprise car le mode de fonctionnement des armées tout comme les objectifs demandés sont assez différents.

Il est donc nécessaire de se connaître et surtout de bien identifier les enjeux afin de ne pas s’épuiser. Il faut d’ailleurs garder à l’esprit que le fait de rester tard est très souvent perçu comme un signe de mauvaise organisation, pouvant alerter l’entreprise sur l’incapacité de la nouvelle recrue à “être et durer”. Dans ce contexte, des directives comme “ce n’est pas pour aujourd’hui » ne doit pas être prise à la légère car le rôle du manager est aussi de ménager ses équipes. Une entreprise fonctionne à flux tendu, ce qui fait que le commun de tout employé est de courir après le temps.

A noter que dans cette dynamique de précipitation, le fait de vouloir bien faire trop rapidement fera qu’un militaire pourra à ses débuts se raccrocher à des “best practises” maîtrisées : celles des armées. Bien que performants, ces réflexes peuvent être contre-productifs s’ils ne sont pas ajustés aux enjeux de l’entreprise … et aussi, être interprétés comme une lacune en termes d’adaptation au monde de l’entreprise. De la sorte, il est avant tout pertinent de comprendre l’environnement dans lequel on évolue avant d’agir.

3. Comprendre les différentes phases d’intégration

Le potentiel d’un collaborateur n’est pas fondamentalement lié à ses qualités intrinsèques mais plutôt à sa capacité à les mettre au profit de l’entreprise. Tout militaire a pu entendre de la bouche d’un instructeur la maxime “ne pas confondre vitesse et précipitation”. De la même manière, il ne faut aucunement brûler les étapes pour se mettre dans une situation de réussite lors de son intégration en entreprise. Ce processus repose finalement sur 3 phases.

Le premier jalon à considérer est celui de l’observation. Même si le souhait d’un militaire est d’être rapidement “OPS”, il faut prendre en compte que tout collaborateur a besoin de plusieurs semaines pour comprendre les enjeux de son poste et connaître son espace de travail (locaux et tisser des liens avec les autres collaborateurs, futurs collègues). Ce temps, même s’il peut paraître parfois inactif, est nécessaire pour assimiler la dynamique de l’entreprise, les interactions entre les différents services et parties prenantes ainsi que les aspirations de chacun.

Ce n’est qu’en ayant parfaitement assimilé cet environnement, communément appelé les “limites gauche et droite” au sein des armées, que l’on va ensuite pouvoir basculer vers la phase de performance. Durant ces semaines et mois, l’objectif est de se focaliser sur le fait de faire ses preuves. La culture de la perfection des militaires est plus qu’appréciée par les entreprises mais peut parfois nuire à leurs performances. Ainsi, il est nécessaire de bien réaliser précisément ce qui est demandé (pas plus, pas moins) mais surtout de le faire dans les délais impartis. Même s’il est toujours possible de faire plus que ce qui est demandé par un client pour le satisfaire par exemple, il faut garder en tête que l’entreprise est animé par un devoir de rentabilité.

Ce n’est qu’en comprenant sur le terrain les tenants et aboutissants du modèle économique dans lequel il intervient qu’un ancien militaire pourra se projeter vers la phase d’évolution. Après avoir fait ses preuves, la nouvelle recrue en entreprise bénéficiera de toutes les clés pour faire valoir ses talents de prise d’initiative et d’innovation tout en absorbant les aspects “politiques” légions dans toute organisation.

Bien que la culture du RETEX prime au sein des armées, il convient néanmoins d’attirer l’attention sur le fait que donner des conseils peut parfois être perçu comme intrusif : ne donner son avis que s’il est demandé peut épargner certaines susceptibilités.

4. Identifier ses points de faiblesses

Le militaire, d’autant plus sur des postes à responsabilité, aura un certain nombre de sujets propres au monde de l’entreprise sur lesquels il devra rapidement monter en compétences : droit du travail, P&L, partenaires sociaux, marchés publics, etc. Il ne peut d’ailleurs qu’être conseillé de s’autoformer en avance de phase : la toile regorge d’ebooks et de cours en ligne comme les chaînes YouTube (« Le Droit en 5 Minutes » ou encore « ProLearning » sur les outils de bureautique).

Toute recrue aura des champs d’action et des responsabilités sur lesquels il n’aura pas toute la compétence voulue lors de ses débuts dans sa nouvelle entreprise. Cela est tout à fait normal car le « mouton à cinq pattes » n’existe pas. Dans ce contexte, au-delà des axes “usuels” de perfectionnement abordés plus haut, un militaire pourra vouloir “occulter” ses faiblesses dans la volonté de vouloir bien faire ou alors par crainte que cela puisse lui nuire.

Etre transparent sur ses axes d’amélioration n’est en rien un aveu de faiblesse ou un élément pouvant mettre à risque une période d’essai. Il s’agit d’un gage de maturité et surtout d’une preuve de votre motivation pour évoluer. Il n’y a donc aucune mauvaise question : il ne faut pas hésiter à oser, à expliquer les points sur lesquels on ne se sent pas à l’aise et à demander à être accompagné, par des collègues en particulier.

5. S’appuyer sur les membres de son équipe

Le cadre des armées fait qu’on y trouve un réel management d’accompagnement et de proximité. Bien entendu, un manager en entreprise va chercher à faire grandir ses collaborateurs mais ne pourra pas être autant présent que peut l’être un cadre militaire avec ses N-1. Lors d’une intégration, il ne faut donc pas être surpris par le fait qu’un manager n’ait pas forcément beaucoup de temps à accorder à une nouvelle recrue.

Surtout en période de travail, c’est avant tout l’équipe qui fait l’intégration et permet de corriger l’attitude ou encore l’approche d’une recrue. Cependant, il peut y avoir une certaine crainte de la part de collègues de pouvoir aborder des points critiques, en particulier face à un ancien militaire charismatique. Beaucoup de militaires ont pu faire une multitude de petites erreurs car ils étaient livrés à eux-mêmes et ne sont pas parvenus à bien interpréter les signaux envoyés. Ainsi, il est fondamental de mettre ses collègues à l’aise, de briser la glace (certains militaires peuvent paraître froids et distants) et ne pas oublier l’humour dont on savait faire preuve avec ses camarades en unité !

Même si le monde de l’entreprise peut paraître plus individualiste que celui des armées, vos collègues seront ravis de vous donner un coup de main et cela sera aussi une occasion de les valoriser. Il est donc fondamental de ne pas rester seul dans son coin, d’identifier les bonnes ressources prêtes à aider et d’échanger avec elles.

6. Soigner sa communication

L’environnement des armées est résolument codifié, ne serait-ce que dans la façon de s’adresser à ses homologues ou à ses supérieurs. Cela se ressent par exemple lorsque des opérateurs des Forces Spéciales, dont le “faire autrement” se rapproche d’un fonctionnement à l’anglo-saxonne, sont en contact avec des troupes conventionnelles (qui œuvrent quant à elles dans un cadre très défini). Cela peut souvent créer certaines frictions !

Bien que cela puisse parfois faire sourire, l’image trop formatée que peut avoir un militaire peut faire peur à tout le monde. C’est une idée qu’il faut casser dès le départ et cela passe par des éléments triviaux de communication comme le langage employé (plus de “bien pris” ou autre “affirmatif”), par la posture et le langage non-verbal (inutile de se mettre au garde-à-vous en entrant dans le bureau de son responsable) ou encore de la tenue (éviter le costume-cravate si le dress code est “casual”). Dans ce contexte, il est toujours nécessaire d’observer pour se fondre dans la masse.

Un des travers qu’ont beaucoup de nouveaux employés, et ce peu importe l’horizon duquel ils proviennent, est de trop parler de leur ancien emploi. Bien entendu, vous avez été recruté car vos expériences passées ont une réelle valeur ajoutée pour votre entreprise et elle souhaitera dans la majeure partie des cas en tirer profit. Cependant le trop plein de “dans les armées on faisait comme ça” peut rapidement exaspérer vos collègues et fera que vous resterez catalogué comme l’ancien militaire. Le low-profile est donc toujours notable.

Outre ses performances, le succès d’un collaborateur repose grandement sur sa visibilité au sein de l’entreprise et ce au-delà de son équipe. Même après avoir trouvé son job, il faut donc continuer à cultiver son réseau au sein de l’entreprise pour évoluer. Cela passe par des actions anodines comme le fait de prendre son téléphone au lieu d’envoyer un mail. Le talent des militaires dans le fait de savoir “faire coutume” est un fort allié ! Sans tomber dans l’excès, il n’est aucunement préjudiciable de parler de ses résultats et de ses succès. Attention cependant à ne pas trop rendre compte à ses supérieurs car cela peut aussi les parasiter (cf. le surplus de compte-rendu par mail pour des réalisations “usuelles”).

Conclusion

L’intégration en entreprise est un enjeu particulièrement critique pour un militaire en transition professionnelle car il s’agit d’un réel saut vers un monde inconnu. Ainsi, l’humilité propre à la majorité des militaires sera un réel facteur clé de succès. Il faut donc savoir observer et surtout recommencer par la base pour acquérir les meilleures compétences techniques.

Pour ce qui est des postes d’encadrement, il est aussi nécessaire de comprendre que l’on a peut-être pris le poste que convoitait un membre de son équipe alors que l’on ne vient pas du sérail. Dans ce contexte, il faut comme dans les armées continuer à manager dans l’objectif de mettre en situation de réussite et de valoriser les différents collaborateurs. Cela prime en particulier vis-à-vis des experts techniques que l’on encadre alors que l’on est soi-même non-technicien car le fait de “faire péter les galons” ne fonctionne aucunement en entreprise !

De manière assez globale, gardez en tête que tous nos collègues ont un jour été débutants et abordez cette période d’intégration comme une chance inouïe de construire une seconde carrière excitante.

2 Commentaires

  1. Bonjour, ayant quitté moi aussi l’armée d’active pour bosser dans le civil, et cela durant plus de 20ans, si j’approuve en majorité vos réflexions, il faut dire que nous arrivons en percevant déjà une retraite et que ce n’est pas bien vu. De plus même si on était gradé, alors que l’on avait des responsabilités, là, nous arrivons dans un autre monde il faut être humble. Certains employeurs ont conscience rapidement de notre potentiel mais surtout de notre DISPONIBILITÉ, attention aux abus courant. Si le TTA ou les INF n’ont guère de secret pour nous, le code du travail, la convention collective et si on bosse en Alsace Moselle, le droit local sont des inconnus et il n’est pas rare que durant les 5 premières années nous soyons EXPLOITÉS. Félicitations pour votre article.

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