Teddy : De militaire à Chef de projet dans le secteur de la téléphonie mobile
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Quel est ton parcours militaire ?
Comme pour beaucoup de personnes, j’ai été intrigué par un camion de recrutement de la Marine Nationale qui stationnait devant mon lycée. Je n’étais pas bon à l’école, non pas parce que j’étais con, mais parce que ça ne m’intéressait pas. Depuis tout petit, le sport était la seule moyenne qui était toujours très bonne. En voyant les perspectives de devenir “forces spéciales”, « instructeur sports de combats » et « chuteur opérationnel », je me suis dit que la Marine était un bon moyen de quitter le système scolaire.
Lorsque je suis arrivé au CIRFA (centre de recrutement des armées) avec mon bac « informatique de gestion » en poche et la volonté d’entrer chez les Commandos Marine, le recruteur m’a dit que cela n’était pas fait pour moi (j’étais plutôt maigre à l’époque). Il m’a alors proposé la perspective d’un poste d’informaticien dans les sous-marins. Plus que motivé, j’ai réussi à le convaincre d’ouvrir un dossier pour les Fusiliers Marins Commandos : j’étais tombé amoureux de cette affiche avec plusieurs zodiacs et des militaires portant un béret vert avec le badge à gauche “à l’anglo-saxonne”.
Dès le départ, j’ai compris que les échecs sont bons dans la mesure où tu apprends quelque chose. En effet, en arrivant en novembre 1997 à Querqueville pour les tests d’entrée, le médecin m’a déclaré inapte du fait de plusieurs petits trous microscopiques au niveau de la pupille (dûs aux chocs causés par ma pratique de quelques sports de combat). Tout s’était effondré autour de moi.
Il y a toujours une solution si l’on sait vendre son projet et si l’on sait faire preuve de diplomatie
Je me suis retrouvé devant l’Amiral Chantal Desbordes avec tous les réformés et la tête d’un petit chien battu. Au lieu de m’énerver, je lui ai expliqué que l’armée était toute ma vie, que je m’étais entraîné depuis longtemps et que j’avais traversé toute la France pour cette opportunité (mon père étant militaire, j’habitais en Allemagne à l’époque). Devant ma motivation, elle a alors appelé le médecin pour faire en sorte que cette inaptitude soit qualifiée de « temporaire » le temps que je subisse une intervention laser à l’œil. Grâce à elle, j’ai pu intégrer en janvier 1998. Il y a toujours une solution si l’on sait vendre son projet et si l’on sait faire preuve de diplomatie.
A partir de là, j’ai fait un parcours sans faute. Je suis arrivée au Brevet Élémentaire puis j’ai passé mon stage commando. Je pensais avoir un gros caractère mais c’est en arrivant à ce stage que j’ai vu ce que c’était ! I J’ai pu y faire la différence entre le gros caractère, celui que tu extériorises, et la force intérieure. Cette force intérieure est ce qui permet de réussir au stage commando quand les instructeurs rabaissent les élèves en les mettant plus minable que minable, lorsqu’ils les font “ramasser” et faire des choses que tu ne comprends pas.
Le béret vert décroché, j’ai intégré le Commando de Penfentenyo
Le béret vert décroché, j’ai intégré le Commando de Penfentenyo à une période où il y avait moins de missions. Cela laissait donc le temps à certains chefs de trouver des « Jeux Nathan » (les jeux intelligents) pour les jeunes recrues… Peu de temps après mon arrivée, je suis parti 6 mois à Djibouti pour l’entraînement du commando. Les trois premières semaines, je ne savais pas si j’allais rester en commando car je comprenais pas ce qu’on me demandait de faire. J’étais rentré dans une unité de forces spéciales et je passais la majeure partie de mon temps à nettoyer la vaisselle, faire le service pour les chefs et surveiller les chameaux pendant les séances de tir.
Avec la maturité, je comprends mieux pourquoi les jeunes recrues recevaient cet accueil. Si tu réussis à prendre sur toi pour endurer tout ça, c’est que tu es passé par la bonne école et que ton caractère est fait pour ce métier-là. Ce choc psychologique doit être important car il permet aux cadres de voir vraiment qui est la personne et si l’on peut avoir confiance en elle. Si une jeune recrue décide d’arrêter pour si peu de choses, c’est que qu’elle n’est finalement pas faite pour partir un jour en mission. La seule chose que l’on peut regretter est qu’il y avait une minorité de chefs qui exagérait (dont la plupart n’a pas fait une grande carrière).
J’ai ensuite suivi le cours de chef d’équipe puis le stage commando dédié pour intégrer ensuite le Commando Jaubert. C’était trois années exceptionnelles, je suis retombé avec les jeunes Brevet Élémentaire avec qui j’étais quelques années auparavant mais cette fois-ci, nous étions chef d’équipe. Ayant passé presque 10 mois sans être réellement à la maison durant la dernière année, j’ai pour des raisons familiales pris la décision de quitter la spécialité.
Je me suis toujours dit que le jour où je commencerais à voir plus de « mauvais côtés », sera venu le moment de partir car je ne voulais pas devenir lourd pour les autres. A ce moment en 2006, la Marine avait décidé de faire de « Moniteur de sport » une spécialité à part entière. J’ai donc eu la possibilité de changer de spécialité en visant un poste d’Instructeur “sports de combat ». C’était pour moi le moyen de garder un lien avec les commandos tout en retrouvant une vie de famille plus stable avec une nouvelle perspective de carrière.
A 27 ans, je suis alors retourné sur les bancs de l’école, pendant huit mois à Fontainebleau, à prendre le train tous les week-ends pour rentrer à la maison
A 27 ans, je suis alors retourné sur les bancs de l’école, pendant huit mois à Fontainebleau, à prendre le train tous les week-ends pour rentrer à la maison. J’ai alors dû passer des nuits à rattraper mon retard sur des sujets comme l’anatomie, la physiologie ou encore la biomécanique.. C’était aussi particulier car j’avais une carrière militaire de chuteur opérationnel dans les forces spéciales et je suis tombé avec des jeunes qui rentraient tout juste à l’armée et qui faisaient les mêmes blagues que je faisais à 18 ans en entrant dans la Marine.
J’ai ensuite eu la chance de retourner directement dans le Morbihan à la « Garnison de Lorient » qui disposait d’un “bureau sport”. J’y ai appris à gérer des budgets car nous pilotions cet aspect pour tous les clubs de sport de la région autour de Lorient. Ne me voyant pas rester indéfiniment à la région, je suis parti pendant trois mois et demi à Fontainebleau pour le cours « Instructeur sports de combat » qui m’a permis de décrocher le poste de Responsable de la cellule « Sports de combat » pour les Commandos Marine.
Mon objectif est de toujours répondre à un besoin. Le métier de Commandos Marine est d’être prêt à affronter les dangers. Ce sont des guerriers et ce qui est important est de préserver leur intégrité physique. Souvent, celui qui n’est pas expert en sports de combat va pouvoir se retrouver en premier dans une colonne d’assaut et devoir percuter un hostile faisant deux fois son poids.
Ils ont intégré notre programme au plan de formation des unités de Commandos Marine avant leur déploiement en opération
J’ai donc œuvré avec Ismaël Guedi pour créer le Combat Total Opérationnel Marine (voir page 29 du magazine Cols Bleus) où l’idée était de rendre le sport de combat accessible aux non spécialistes afin que les commandos préservent leur intégrité physique pour le succès de la mission. Afin de gagner l’adhésion du bureau en charge de l’entraînement des unités commandos, j’ai invité l’ensemble des cadres à un stage. Ils étaient tellement enthousiastes à l’issue de leur semaine d’entraînement qu’ils ont intégré notre programme au plan de formation des unités de Commandos Marine avant leur déploiement en opération.
Dans cette approche orientée « besoin », j’ai aussi travaillé sur la transposition opérationnelle pour travailler physiquement sur les mêmes mouvements que l’on est amené à faire en opération : chute en parachute, effraction, etc. Ce n’était plus de l’exercising mais bel et bien du training au profit de la résistance et de la mobilité en mission.
Pourquoi et quand as-tu quitté l’institution ?
J’ai fait 8 ans chez les Commandos Marine et 8 ans en tant que moniteur de sport où j’avais mis en place des choses qui n’avaient jamais été faites jusqu’à alors. Nous avions été tellement investis avec Ismaël que certains gestionnaires se disaient qu’ils allaient avoir du mal à nous orienter sur de nouvelles choses. J’avais même repoussé mon évolution de carrière et refusant d’intégrer le cours « Brevet Supérieur » auquel on m’avait inscrit et ce pour terminer ce que j’avais entrepris au profit des Commandos. Or la Marine était toujours dans une politique où il fallait que tu bouges.
C’était eux qui voulaient décider de ma carrière, j’ai donc quitté.
C’est un officier gestionnaire de la section sport de l’époque, incompétent dans la gestion des hommes, qui m’a donné envie de quitter la Marine. Lorsque je lui ai dit que j’étais content d’être resté dans les unités des forces spéciales et ce avec mon expertise de sportif, il m’a alors répondu « tu aurais mieux fait de rester chez les forces spéciales au lieu de venir dans le sport ». J’ai alors vu qu’il avait tout compris, il voulait m’envoyer à Cherbourg. J’avais l’appui de tout le bureau entraînement des Commandos pour rester mais c’était ce gestionnaire de section sport qui avait le dernier mot. C’était eux qui voulaient décider de ma carrière, j’ai donc quitté.
Qu’as-tu fait sur le plan professionnel depuis ta sortie des Armées ?
J’ai d’abord commencé par créer les premiers bootcamps commando dans l’objectif de partager mon retour d’expérience avec des personnes venant de tout horizon, en les emmenant en forêt pour travail l’orientation, la gestion du sommeil, etc. J’ai rencontré par ce biais une personne dans le milieu du fitness qui faisait des bootcamps fitness avec une appellation “commando”. Je lui ai donc vendu mon expertise militaire ainsi que l’approche pédagogique que j’avais créée en tant que moniteur de sport. J’ai alors commencé à faire grandir mon réseau professionnel dans le fitness et à l’entretenir avec une posture de facilitateur.
Sur le plan marketing, j’ai tout de suite senti qu’il allait être difficile de communiquer avec des unités d’élite en utilisant le mot « fitness »
Il m’a alors été présenté le responsable de TRX, outil qui n’était à l’époque implanté que dans le monde du fitness. Après un stage en République Tchèque pour devenir formateur (mes bases en anglais m’ont été d’une grande aide), je suis alors devenu le seul instructeur TRX Force en mesure de certifier internationalement et de former et les armées, forces de l’ordre, pompiers et sportifs de haut niveau pour toute la France et quelques pays d’Europe. Cela m’a permis de rentrer chez Planet Fitness en tant que technico-commercial. Sur le plan marketing, j’ai tout de suite senti qu’il allait être difficile de communiquer avec des unités d’élite en utilisant le mot « fitness ». J’ai donc œuvré pour créer Planet Force qui était la version opérationnelle de Planet Fitness.
Capitalisant sur mes entrées dans le monde militaire, j’ai alors pu avoir une activité très soutenue en formant plusieurs personnes et préparateurs au RAID, au 1er RPIMA, dans plusieurs SDIS, au PSG, au FC Lorient. J’ai même pu faire en Belgique la préparation physique pour les acteurs du film Kursk.
Il semble que ma façon de faire ait plu car on m’a ensuite demandé d’encadrer leur premier événement à Dubaï pour 500 participants puis ceux au Royaume-Uni et ce pendant deux ans
Via une relation commune à nouveau, Spartan Race m’a sollicité pour que je devienne responsable pour la France du format « extrême endurance » de leurs événements (sur ce format, les participants ne se connaissent pas, il n’y a pas de notion de temps mais l’effort est collectif sur des missions fictives). Il semble que ma façon de faire ait plu car on m’a ensuite demandé d’encadrer leur premier événement à Dubaï pour 500 participants puis ceux au Royaume-Uni et ce pendant deux ans.
Comment as-tu su capitaliser sur ton expérience militaire ?
Mon expérience militaire m’a appris la gestion du stress. Quand on te forme à savoir gérer des situations pouvant menacer ta vie et celles des autres, tu apprends à relativiser. Je ne pourrai pas fondamentalement dire que c’est grâce à l’armée que j’ai pu réussir. Par contre c’est du fait d’avoir été chez les Commandos Marine puis Moniteur de sport qui m’a permis d’exploser plus rapidement dans le civil. L’alliance des deux est une vraie force.
Ce que m’a apporté l’armée, c’est de savoir travailler avec une personne toujours au-dessus de mon épaule, qui me juge, qui me met une forte pression et qui me vire si toutefois je me loupe. Grâce à cela, je suis particulièrement résistant au stress dans mes travaux quotidiens.
J’ai toujours été quelqu’un qui voulait aller de l’avant et qui était à l’écoute des gens. Mon père étant militaire dans l’Armée de Terre, j’ai grandi dans une garnison. Les valeurs qui sont inculquées en arrivant à 18 ans dans l’armée, je les avais déjà : quand tu te lèves de table, tu débarrasses, tu dis bonjour quand tu vois quelqu’un, tu vouvoies quand tu ne connais pas, etc. Je suis né dans la bonne école !
Avec le recul, qu’est-ce que qui a pu te manquer en termes de compétences ou de connaissances dans ta carrière dans le civil ?
Ce qui a pu le plus me manquer est de savoir se vendre. A l’armée, on fait tous un métier où l’on n’a pas besoin de se vendre parce que nos compétences sont jugées : on sait ce qu’on vaut. Dans le civil, beaucoup de personnes ne savent pas ce que tu vaux, elles savent juste que tu es un ancien militaire et voient le terme de forces spéciales uniquement à travers ce qu’ils ont vu dans les films par exemple.
Un militaire est trop modeste et humble pour arriver à dire « je sais faire ça, je suis bon là-dedans et ça je le maîtrise ». Ce qui m’a donc manqué est le rapport à ce que je valais sur le marché. Un de mes premiers électrochocs était quand on m’a dit quelques années après ma sortie que je valais beaucoup plus que ce qu’on me payait actuellement. A l’époque cela me paraissait énorme mais ça, personne ne nous l’apprend en sortant de l’institution.
Un militaire peut vite accepter la première opportunité se présentant de peur de ne rien trouver
Comme on pense n’être bon que dans notre domaine militaire, on a peur. Il faudrait que l’on ait des repères qui nous guident en nous présentant les équivalences dans le civil des responsabilités managériales qu’à un chef de groupe ou un chef de mission. Avec en plus une idée de la fourchette de salaires associées car un militaire peut vite accepter la première opportunité se présentant de peur de ne rien trouver, quitte à tolérer un salaire incohérent avec ce qu’il peut apporter.
Ce qui a pu me manquer en arrivant dans le civil est la sensibilité marketing. On ne peut par exemple par faire en entreprise une présentation comme on le faisait dans l’armée. Au-delà du fond, la forme est très importante. Lorsqu’on a une présentation à faire avec des investisseurs, la présentation est déroulée trois fois de suite en préparation car on n’a qu’une seule chance de réussir alors que dans les armées, il faut juste être « carré ».
Quels conseils donnerais-tu aux anciens militaires en recherche d’emploi ?
Avant tout, je conseille de partir sur quelque chose pour lequel on est passionné. Cela évitera de tomber dans le travers ennuyeux d’un travail alimentaire mais surtout, cette passion va transpirer dès le premier échange avec un recruteur.
Un recruteur se fiche de savoir qu’un candidat a fait une multitude d’opérations extérieures ou qu’il sait sauter d’un avion de nuit à 4000m de hauteur
Ensuite je dirais de ne mettre en avant que les compétences et habiletés qui servent dans le civil. Dans le monde civil, un recruteur se fiche de savoir qu’un candidat a fait une multitude d’opérations extérieures ou qu’il sait sauter d’un avion de nuit à 4000m de hauteur. Ce qui importe derrière la réalisation d’une mission à l’étranger en tant que chef de groupe par exemple, c’est le fait d’avoir managé 12 personnes, de les avoir maintenues en vie et d’avoir su être force de propositions dans la réalisation des opérations demandées par les autorités.
Comme je le dis tout le temps, je préfère m’excuser que de demander. Il y a des leaders et des suiveurs et les Commandos Marine font partie de la première catégorie. Il y a des situations où des militaires se retrouvent sans contact avec leurs chefs et où il faut pour autant prendre une décision en une demi-seconde pour pouvoir sortir tout le monde du pétrin. Ramené au monde de l’entreprise, lorsque je n’arrive pas à joindre mon manager et qu’un choix est à faire, je sais prendre la décision qui me semble être la meilleure et en assumer les conséquences. Je reste fidèle à mes valeurs et je saurai défendre ma position.
Oublier dans le civil les « reçu », « bien pris », « affirmatif » et autres
Enfin, un militaire doit absolument travailler sur les éléments de langage : oublier dans le civil les « reçu », « bien pris », « affirmatif » et autres. Certains pensent que cela peut faire bien en renvoyant une image de rigueur alors qu’au final, cela effraye. en entreprise, on est civil. Pour ce qui est de mes anciens camarades, je leur conseille aussi de garder cette nonchalance professionnelle qu’ils avaient à l’armée.
Il faut aussi savoir que lorsqu’un militaire quitte l’armée, il y a de très fortes chances qu’il soit critiqué en particulier s’il réussit (cf. les fameuses « bouches de vieille »). Mais ces personnes qui critiquent sont souvent celles qui refusent d’avancer. La réussite attise la jalousie, c’est humain.
Il y a un gouffre entre les Commandos Marine à la téléphonie mobile, peux-tu me parler de ce que tu fais actuellement chez Crosscall ?
Le réseau, que l’on peut voir comme un portefeuille clients, est ce qu’il y a de plus important.
Avant tout, je n’ai jamais passé mon cv ou fait un entretien d’embauche. Du fait de mes relations et expériences civiles, ce sont toujours des personnes sont venus pour me proposer de les rejoindre sur leurs projets. On a beau être le meilleur du monde, si tu ne connais personne, tu ne grandiras pas. Le réseau, que l’on peut voir comme un portefeuille clients, est ce qu’il y a de plus important. On en connait beaucoup qui sont très bons mais qui ne connaissent personne et n’arrivent donc pas à grandir.
Via un collègue, j’ai pu rencontrer Cyril Vidal (fondateur et président de Crosscall) qui m’a proposé de devenir ambassadeur de la marque. Cela revenait à mettre en avant le téléphone Crosscall lorsque je faisais mes formations auprès des unités militaires. Je n’y connaissais presque rien en téléphonie mais le produit était étanche et résistant, je n’avais pas besoin de plus d’arguments pour convaincre mes anciens camarades.
Je me suis alors rendu compte que je n’avais qu’un bac, que je n’avais pas fait d’étude car mauvais à l’école et qu’on me proposait un contrat de cadre
Du fait d’avoir formé quelques gardes du corps, j’ai ensuite été invité aux vœux privés du Président Macron. Aimant plutôt bien la marque Crosscall et du fait qu’il s’agissait d’un produit français, j’ai proposé à Cyril de m’accompagner. A la fin de soirée, Cyril me dit : « je suis quelqu’un qui avance, qui croit que rien n’arrive au hasard et que les choses arrivent toujours au bon moment ». Il m’a ensuite parlé d’un projet qu’il avait toujours voulu faire chez Crosscall et qui n’avait jamais pu aboutir faute de ne pas avoir trouvé la bonne personne. Je me suis alors rendu compte que je n’avais qu’un bac, que je n’avais pas fait d’étude car mauvais à l’école et qu’on me proposait un contrat de cadre dans une entreprise réalisant un chiffre d’affaires avoisinant les 100 millions d’euros.
J’ai donc quitté la Bretagne pour rejoindre le Sud de la France afin de devenir « Chef de projet sport ». Le travail consistait à assurer le lobbying et les actions de communication auprès des armées et des unités spécialisées. L’autre pan de ce travail était que j’insuffle une politique sportive au sein de l’entreprise en commençant par la création d’une salle de sports dans nos nouveaux locaux. A ce sujet, de 10%, nous sommes passés à 70% de collaborateurs ayant une pratique sportive, entraînant une baisse des arrêts maladies et une amélioration de la qualité de vie au travail.
Au fur et à mesure, une nouvelle idée est née chez Crosscall. Il y avait initialement une partie « produit » et une autre partie « ambassadeurs » (dont je faisais partie avec Mike Horn par exemple). La case « services » n’avait jamais été activée. Nous avons donc réfléchi à un concept innovant qui s’appelle Endonora, dont je suis cofondateur, et qui a pour objectif de devenir la plus grande salle de sport au monde.
Après ces années dans le monde civil, en quoi selon toi le monde de l’entreprise diffère des armées ?
Ce qui diffère est qu’il n’y a pas de place en entreprise pour les renards de surface. Dans le monde militaire, la paie sera à certains moments la même que tu travailles ou que tu ne travailles pas. Certains pouvant même en mission se cacher et en faire moins que les autres, leur paie sera la même.
Il y a surtout une notion de rentabilité dans l’entreprise qu’il n’y a pas dans les armées
Dans le civil, la situation peut être vite complexe pour les personnes qui gigotaient dans l’armée mais ne faisaient pas grand chose. J’ai commencé avec un salaire de 1500€ mais où j’avais des primes sur objectif. Il fallait donc savoir se surpasser car il n’y a plus cette notion de cocon en entreprise. Il y a surtout une notion de rentabilité dans l’entreprise qu’il n’y a pas dans les armées : on n’attendra pas plus de deux mois pour trouver un accord pour se séparer d’un profil qui ne convient pas.
Il faut donc savoir sortir de sa zone de confort et savoir se mettre à niveau pour par exemple travailler avec des ingénieurs de haut niveau comme cela m’arrive dans le monde de la téléphonie. Selon moi, il est préférable que le militaire qui ne veut pas avancer, aller chercher de nouvelles choses et recommencer à se former, ne quitte pas l’armée et reste dans quelque chose de stable. Il y a aussi des militaires qui sont clairement inaptes à l’entreprise.
Qu’est-ce qui est apprécié d’un militaire en entreprise et qu’est ce qui peut faire peur ?
Ce qui est apprécié en entreprise est le respect des règles, les valeurs, la ponctualité et l’envie de travailler. Un imprévu à 19h sur un dossier, le militaire ne dira pas non et il sera au rendez-vous. Les dirigeants apprécient aussi la rigueur mais elle peut aussi faire peur quand cela devient « trop carré », ils n’ont pas forcément l’habitude.
Un militaire est quelqu’un de qualifié, qui apprend vite, qui a déjà managé, qui sait fédérer et qui saura devenir encore plus expert dans son nouveau métier. Il peut donc aussi faire peur aux autres collaborateurs et pour leur évolution de carrière.
Sans aller jusqu’à de la jalousie, les militaires peuvent avoir certaines prédispositions. J’avais par exemple dû parler devant 500 employés de Bouygues : plusieurs personnes se demandaient comme j’avais fait pour être si à l’aise alors que cela ne m’avait posé aucun problème du fait de ma formation. Or cela fait depuis mon cours de Chef d’équipe Commando que j’ai appris à parler devant des personnes et défendre mes idées.
La plus grande force que peuvent avoir les militaires et que je pense avoir est de savoir s’entourer. Il ne faut pas avoir peur de dire « je ne maîtrise pas »
Je suis aussi fondateur de Forces Spéciales Coaching qui est un groupe de coachs (tous issus des Forces Spéciales et d’unités d’élite) que je gère et qui forment des jeunes et des moins jeunes. La plus grande force que peuvent avoir les militaires et que je pense avoir est de savoir s’entourer de personnes autant voire plus compétentes que soi. Cela est très compliqué car certains militaires, en particulier ceux issus des forces spéciales, veulent tout faire eux-mêmes et tout contrôler. Il ne faut pas avoir peur de dire « je ne maîtrise pas » ou « je ne sais pas faire » et de se faire aider par des experts.
Il y a la phrase que je dis tout le temps et que j’adore : « il faut être conscient de ce que l’on est au moment où se passe l’action ». Avant on était, aujourd’hui on est, et demain on sera. Pour ma part, je suis toujours dans le « demain je serai comme ça ». Le “avant” c’est très bien mais je n’y suis plus, à quoi bon ressasser le fait qu’on a été Chef d’équipe Commando en groupe d’action spécialisé ou « Nageur de combat » ? Gardons cet état d’esprit et ces compétences au fond de nous-même en continuant à les développer dans le cadre professionnel et ce de manière subtile. Le pendant j’y suis mais je me projette toujours pour avancer. C’est le propre du chef d’entreprise : le savoir-être, le savoir-faire et le faire savoir.
Militaire d’active, vous initiez un projet de reconversion ?
Je me suis abonné à ce blog il y a quelques semaines et je trouve très bien toutes ces interviews. Je me retrouve d’ailleurs dans pas mal de points évoqués par rapport au métier particulier et aux compétences pointues. Des profils différents mais toujours de bonnes expériences et des points clé à noter. Ce sont d’ailleurs souvent les mêmes qui ressortent ! Continuez comme ça, c’est super pour les profils comme le mien qui commencent (doucement) à réfléchir à « l’après ».