Sylvano : De militaire à Responsable de clubs de bien-être

[Interview de Sylvano] De militaire à Responsable de clubs de bien-être

Quel est ton parcours militaire ?

Après une année de petits boulots suite à l’arrêt de mes études en IUT Chimie, je suis rentré dans les armées car j’y ai vu de la lumière. Mon père étant militaire, je ne voulais pas initialement poursuivre dans cette voie, mais ma passion pour le sport et mon envie d’aventure ont pris le dessus. En poussant la porte du centre de recrutement, le Marin qui m’a reçu m’a vaguement parlé de la spécialité de fusiliers marins, qui allait selon lui de paire avec mon souhait de bouger, ainsi que celle de Commandos Marine, qu’il jugeait trop difficile pour moi.

Ayant aussi passé les tests d’admission pour l’Armée de Terre, j’ai alors dû choisir entre partir 3 ans chez les paras à Toulouse ou 8 ans dans la Marine. J’avais alors 20 ans, je m’en voulais d’avoir abandonné les études et j’avais besoin de me sentir autonome. Sans m’être particulièrement renseigné sur la spécialité de Fusiliers Marins, la perspective de bénéficier de 8 années de paie garantie m’avait rassuré : j’ai donc rejoint la Marine.

Bien que je pensais être physique, je me suis rendu compte que je ne l’étais pas du tout : sportif n’est pas rustique

Je me suis retrouvé le 29 octobre 1996 à Querqueville pour suivre les deux mois de formation initiale, d’où je sors major de cours. Faisant du rugby, la cohésion qui régnait dans le fait d’agir avec des conditions difficiles m’a tout de suite plu. J’ai ensuite rejoint l’École des Fusiliers Marins à Lorient. Bien que je pensais être physique, je me suis rendu compte que je ne l’étais pas du tout : sportif n’est pas rustique. Les premières courses en tenue de combat avec sac et rangers m’ont rapidement calmées et j’ai failli abandonner au bout du premier mois. Je n’avais pas le mental.

Une rencontre m’a permis de sortir la tête de l’eau. Mes parents connaissaient la femme de l’adjudant de la compagnie dans laquelle j’étais, qui venait elle aussi de Nouvelle-Calédonie. Je suis allé le voir et il a pris le temps de me dire des mots très « accroche-toi, ça en vaut la peine ». Le simple fait d’entendre ses mots a été d’un grand réconfort, cela a provoqué un réel déclic. Cette personne est maintenant un très bon ami, qui vit d’ailleurs à Nouméa, et à qui je rappelle souvent cette anecdote. Cela le surprend toujours car j’ai fait, selon lui, bien plus de choses dans ma carrière. Il ne faut jamais oublier d’où l’on vient, il était présent à un moment où j’en avais véritablement  besoin.

J’ai donc voulu lui montrer que j’en étais capable, surtout après mon échec en IUT

Une discussion avec mon père a elle aussi provoqué un autre déclic. Lorsque je lui ai dit, dans la cabine téléphonique de la base, que je terminais ma formation de Fusilier Marin pour attaquer celle de commando, il m’a alors dit « les Commandos Marine, ce sont des mecs en or, c’est une super unité ». Pour qu’un ancien para comme mon père, 30 ans de service, soit aussi élogieux sur cette entité de la Marine, c’est que ce n’est pas neutre. J’ai donc voulu lui montrer que j’en étais capable, surtout après mon échec en IUT pour lequel j’avais honte car mes parents me payaient mes études.

Au-delà de ça, le fait de ne connaître absolument rien au monde des Fusiliers Marins ou des Forces Spéciales m’a aidé car j’ai toujours progressé pendant ma formation, alors que certains qui étaient arrivés mieux conditionnés ont stagné. Je continue encore aujourd’hui à fonctionner ainsi : moins tu sais, plus tu te donnes à fond. Je suis arrivé mentalement en confiance au stage commando. Avec le recul, le fait qu’un de mes formateurs m’ait dit lors de la remise des brevets de fusiliers que je ne réussirais pas le stage m’a quelque peu donné la rage. J’ai appris plus tard que cet instructeur n’avait rien fait de particulier en commando mais l’impact de ces paroles aurait pu être terrible si je n’avais pas été dans un bon état d’esprit.

Pour le stage commando, le rugby m’a beaucoup aidé dans le fait de se dépasser pour les autres, de souffrir ensemble et d’être soudé. Cela fait ressortir la nature de chacun car on ne voit la vraie facette d’une personne que lorsqu’on l’empêche de manger, de dormir et qu’elle a froid. Il est certain que cela a été dur et que je ne referai pas le premier stage. Je tire d’ailleurs mon chapeau à ceux qui ratent une première fois et qui réussissent lors d’une seconde tentative. J’étais usé mais j’ai toujours fait en sorte de rester lucide et de garder le cap, et ce même pendant le coxage qui durait une dizaine d’heures : je me disais tout bêtement dans ma tête qu’ils n’allaient pas nous tuer. Je suis sorti 3ème du stage.

Après avoir subi un stage assez dur, je me suis dit « tout ça pour ça ? »

J’ai ensuite choisi d’embarquer au sein du Commando Jaubert avec lequel je suis parti à Djibouti un mois après mon arrivée. Je me suis alors retrouvé à devoir être au garde-à-vous derrière une cafetière et à faire le larbin. L’unité disposant de « champions du monde » en pompes, en grimper de corde, en course et en traction, j’ai enchaîné les tendinites pendant 7 mois. Après avoir subi un stage assez dur, je me suis dit « tout ça pour ça ? ». Mais il s’agit au final d’une forme d’éducation. Nous étions 7 jeunes à avoir embarqué et cela a créé une forte cohésion entre nous, même s’il y avait parmi nous deux crevures à cause desquelles nous avions bien « ramassé ». Bien entendu, les générations ont depuis évolué et il n’est plus possible de ne faire que de cette manière aujourd’hui, surtout avec la pénurie de Commandos.

D’un naturel discret, je n’étais pas du genre à prendre un verre avec les chefs, mais le fait de bien jouer au rugby m’a aidé à m’intégrer. Notre passion commune a fait que mon chef d’escouade, Arthur Hopfner (à présent auteur de plusieurs livres) a tout de suite accroché avec moi. C’est encore une question de rencontre : si j’étais tombé avec certains mauvais chefs dont j’ai entendu parler (qui n’ont pas spécialement eu de carrière après, en plus d’avoir grillé celles des autres), j’aurais sans doute abandonné.

Comme je faisais bien le café et le ménage, mes chefs m’ont donné au fur et à mesure plus de responsabilités. C’est ainsi qu’après le déploiement à Djibouti, j’ai pu faire partie des premiers quartiers-maîtres à être déployés en Guinée-Bissau. On nous faisait à présent confiance. M’étant blessé pendant cette mission, j’ai eu le temps de me soigner pendant 1 mois pour ensuite rejoindre rapidement le cours de Chef d’équipe puis le stage commando dédié.

Il m’a aussi montré qu’en favorisant la bonne humeur au sein d’un groupe, le fait de faire des tâches parfois peu intéressantes passait tout seul

J’ai ensuite intégré le Commando Trépel. En l’espace de deux ans, se sont succédés 4 chefs d’escouade avec autant de retours d’expérience, c’était une immense richesse pour le jeune chef d’équipe que j’étais. Un de mes chefs m’a fait découvrir le groupe spécialisé en CMC (Combat en Milieu Clos / maintenant CTLO : contre-terrorisme et libération d’otages), dont il était issue. Il m’a beaucoup appris en matière d’investigation et m’a poussé à passer les tests pour intégrer ce groupe particulier chez les Commandos. Il m’a aussi montré qu’en favorisant la bonne humeur au sein d’un groupe, le fait de faire des tâches parfois peu intéressantes passait tout seul ! J’ai exploité cette façon de faire tout au long de ma carrière.

J’ai donc passé les tests (dont je suis sorti 1er) pour arriver en 2004 au groupe CTLO en tant qu’opérateur. C’était une nouvelle étape car les groupes spécialisés donnent beaucoup d’indépendance aux jeunes recrues car on nous fait de suite confiance. Après m’avoir donné la responsabilité de l’armurerie, mes chefs m’ont permis de devenir leader de l’équipe de chuteurs opérationnels (parachute) et de tourner entre les différents postes : bouclier, perchiste, etc. Ce n’était que du bonheur car il s’agissait aussi du début des mandats en Afghanistan avec une première mission au bout d’un an à Spin Boldak. Afin de continuer à progresser et à gagner en expérience, j’ai pu repousser à deux reprises ma sélection au cours du Brevet Supérieur. Ayant fait, au bout de 4 ans, le tour du poste d’opérateur, j’ai finalement pris la décision de suivre le cours “Brevet Supérieur” et ce dans le but d’évoluer.

J’ai finalement été recontacté au bout de 18 mois pour remplacer au pied-levé un membre du CTLO qui ne souhaitait pas partir en Afghanistan

Malgré le fait d’avoir tout donné (je suis sorti 1er du cours) et qu’il y avait toujours une place pour moi en CTLO, l’Amiral de l’époque n’a rien voulu savoir et j’ai dû rejoindre le Centre d’Instruction Navale de Brest pour y être instructeur pendant 3 ans. Bien que je souhaitais rejoindre mon groupe d’origine, cette expérience m’a beaucoup appris en matière de pédagogie. Cependant, ce choix de rester à proximité de la maison mère n’était pas du goût de mon épouse qui voulait absolument partir dans le sud. Nous étions en statut de célibataire géographique (elle sur Lorient, moi sur Brest) qui a bien failli être fatal pour notre couple. Mon épouse ayant accouché de notre 3ème enfant, elle ne comprenait pas mon choix de ne pas profiter d’une affectation où je pouvais rentrer à la maison tous les soirs pour l’aider.

Un an après, j’ai été sélectionné pour effectuer mon stage commando niveau Brevet Supérieur sur Lorient. Après l’avoir réussi, j’ai été renvoyé au CIN Brest afin de terminer mon affectation malgré la demande insistante du CTLO de me récupérer et de combler la place toujours vacante. Certains gradés ayant fait pression pour que je ne sois instructeur que pendant 2 ans, j’ai finalement été recontacté au bout de 18 mois pour remplacer au pied-levé un membre du CTLO qui ne souhaitait pas partir en Afghanistan. J’y suis donc partie une deuxième fois en précurseur former les Forces Spéciales locales sur une des bases américaines, ce qui m’a d’ailleurs permis de bien progresser en anglais !

A mon retour, s’est posée au sein du groupe CTLO la question de savoir qui voulait en prendre la tête, du fait que notre chef et son adjoint étaient en fin de course. Étant le plus jeune arrivé parmi les 5 titulaires du “Brevet Supérieur” dans le groupe, j’ai bien entendu laissé ma place, tout en mentionnant que je saurai prendre mes responsabilités s’il fallait que je prenne le poste. Il s’avère qu’un des deux dont c’était le tour a été sélectionné plus tôt que prévu pour suivre le cours “Chef de mission”. Mes autres camarades ne souhaitant pas particulièrement prendre le poste, je suis donc devenu adjoint de 2009 à 2010 puis j’ai pris la tête du groupe de 2010 à 2013.

L’opportunité d’avoir pu œuvrer dans tous les postes en tant qu’opérateur m’a quant à lui permis d’avoir une certaine crédibilité

Contrairement à un groupe « organique » de forces spéciales, ma situation de chef était particulière car je devais manager des membres qui avaient d’une part plusieurs années d’expérience et d’autre part réussi les tests CTLO, avec toute la remise en question que cela implique. Plusieurs choses m’ont clairement facilité la tâche pour ces nouvelles fonctions. Le fait d’avoir été dans le groupe depuis 2003 faisait que j’en connaissais chacun des membres depuis un certain temps. J’ai aussi eu la chance d’avoir un groupe formidable avec certes des personnalités très fortes mais toujours respectueuses. L’opportunité d’avoir pu œuvrer dans tous les postes en tant qu’opérateur m’a permis d’avoir une certaine crédibilité. J’ai d’ailleurs fait de même avec un de mes opérateurs dont j’avais pu déceler le futur potentiel de chef.

Après 3 ans, je pensais déjà à progresser en m’orientant vers les responsabilités de Chef de mission voire tenter le concours Officier mais certaines déceptions ont changé mes plans.

Pourquoi et quand as-tu quitté l’institution ?

Bien que cela avait pu commencer dès la Guinée-Bissau, c’est avec la perte de Jonathan lors de l’opération HK35 que j’ai commencé à me poser plus de questions sur le sujet de la reconnaissance. Un des moyens usuels pour témoigner la reconnaissance dans les armées est entre autres l’attribution de médailles, qui permettent aux militaires de se rappeler tout ce qu’on a réalisé. Or, cela évoque pour moi de la souffrance car mon groupe n’a pas été « récompensé » à son juste niveau tant sur HK35 que pour toutes les missions réalisées dans le cadre du déploiement « Jehol III » en Afghanistan. Il en était de même deux ans après au Mali, où nous étions les premiers à tenir l’aéroport de Mopti Sévaré suite à la progression des djihadistes, à récupérer à temps un équipage de Gazelle (hélicoptère) abattu qui serait sans doute passé à la télé avec une cagoule sur la tête si nous n’avions pas été là, à sauter sur Tessalit, à tenir Kidal, à faire l’assaut héliporté sur Gao et j’en passe.

Chaque commando a été victime d’une non-reconnaissance, d’une injustice par rapport à ses actes, ses missions, mais pour ma part, ça commençait à faire beaucoup. C’était la goutte d’eau qui a fait déborder le vase et j’ai alors dit à mon groupe que je n’avais plus la force de me battre pour eux. Bien que j’étais en passe de rejoindre le cours de Chef de mission, j’ai tout arrêté car je ne pouvais plus voir mon groupe subir encore cela, surtout en voyant tout ce qu’on a donné et ce qu’on a fait pour remonter la pente. Mes enfants grandissant, j’avais aussi de plus en plus de mal à partir, avec à chaque fois un pincement au cœur. Cette goutte d’eau a été finalement salvatrice car même si j’ai toujours une pensée pour ceux qui continuent le combat, je suis aujourd’hui heureux et je n’ai jamais eu d’aigreur par rapport à ce que j’ai fait.

Comment as-tu procédé pour préparer le “après” ?

Suite à ces années opérationnelles, j’ai demandé à partir en « campagne » en Nouvelle-Calédonie (d’où je suis originaire) afin de prendre du recul. J’ai alors dû me confronter à des personnels administratifs dont certains m’ont ouvertement dit « des gens comme vous qui se disent méritant, il y en a plein ». N’aimant pas me mettre en avant, j’ai vu que ce n’était pas facile de se vendre afin que ma demande soit considérée, en particulier dans des bureaux qui ne prennent pas la peine de connaître ton parcours. Il m’a alors été proposé de partir 2 mois à Nouméa pour y réaliser un audit. C’était toujours bon à prendre !

Sur place, j’ai pu voir qu’une place de Capitaine d’Armes se libérait à la DIRISI (équivalent d’une DSI en entreprise). Malgré ma candidature, j’ai pu voir que personne n’avait finalement été retenu car il était recherché un profil plus “gradé” que moi. J’ai donc activé la seule carte qu’il me restait, celle de l’Amiral Prazuck, homme de très grande valeur, qui connaissait bien mon groupe CTLO (étant donné qu’il était Commandant de la Force Maritime des Fusiliers Marins et Commandos à l’époque d’HK 35) et qui m’a aidé dans mon projet. Deux jours après notre échange, j’ai été reçu en entretien par le directeur de la DIRISI qui m’a dit : « il est temps que la Marine vous récompense et je pense que vous allez être un appui pour nous ». J’en ai eu les larmes aux yeux.

Ça a été une délivrance et le tournant de ma vie ainsi que celle de ma famille car nous avions besoin de nous retrouver tous les 5. Par contre, je ne connaissais absolument rien au travail de Capitaine d’arme. Je n’ai donc pas compté mes heures lors des 2 premiers mois car je voulais montrer au directeur qu’il avait raison de me faire confiance. Garant de la discipline, il s’agit d’un poste ingrat tant pour le Capitaine d’armes qui officie que pour les membres de l’unité allant le “subir” ! Pourtant, bien que certains râlaient au début, j’ai fait en sorte que les tâches “militaires” (marches, tirs, corvées, etc.) soient effectuées dans la bonne humeur tout en permettant aux personnels de changer d’air dans un nouvel environnement.

Qu’as-tu ensuite fait sur le plan professionnel ?

Ce nouveau poste sur lequel j’ai dû rapidement m’adapter en développant de nouvelles compétences, m’a permis de reprendre confiance. Je me sentais alors mûr pour rejoindre le monde civil : les planètes étaient alignées ! L’Amiral Prazuck m’a écrit au même moment pour me prévenir que Stéphane Rybojad, qui avait réalisé le Forces Spéciales, souhaitait effectuer des reportages sur différentes missions réalisées et en particulier sur HK35 (dont voici un résumé : lien). J’avais à ce moment-là besoin de parler de cette opération qui marque à vie, mais je ne savais pas à qui : c’est donc arrivé au bout moment. Je suis donc partie quelques jours à Paris pour témoigner, ce qui m’a fait beaucoup de bien car j’avais mentalement et physiquement ramassé.

C’est à cette période que j’ai découvert Herbalife, par le biais de ma cousine qui avait indiqué sur les réseaux sociaux qu’elle cherchait un associé dans le bien-être et le sport. Bien que j’étais toujours marin, je suis tout de même allé faire un bilan dans son club. Avec les différents produits qu’elle m’a conseillé de prendre, j’ai de fil en aiguille retrouvé la forme mais cela avait un coût assez important. Elle m’a alors dit que je pouvais bénéficier de remises en attirant de nouveaux clients : j’en ai donc parlé à toute la base navale.

Cela avait un sens pour moi

Voyant qu’elle n’avait pas le temps de recevoir toutes ces nouvelles demandes, je lui ai alors proposé mon aide. Après avoir conseillé 3-4 personnes, je me suis rendu compte que le fait d’accompagner des personnes à définir des objectifs pour se sentir mieux me plaisait, car cela avait un sens pour moi. Je n’ai jamais reçu autant de reconnaissance après 21 ans de service. Je me faisais avant tout cela par plaisir mais pourrai-je en vivre ?

En faisant miroiter des chiffres mirobolants, certaines personnes jettent de la poudre aux yeux quant aux activités orientées “marketing de réseau”. Après avoir évalué le volume d’affaires nécessaire pour garder le même niveau de vie dont je disposais en tant que marin, j’ai surtout identifié quelle plus-value je pouvais apporter aux produits. C’était cela qui allait me permettre de garder une clientèle, qui pouvait aussi recourir à des produits plus abordables.

Comment as-tu su capitaliser sur ton expérience militaire ?

Je me suis rendu compte que ma valeur ajoutée résidait tout simplement dans ce que j’avais appris et mis en application dans le monde militaire : assurer un suivi des personnes, leur donner des conseils pour évoluer et favoriser la cohésion parmi un groupe ayant des objectifs similaires. Il me suffisait de transposer dans le monde civil les compétences d’encadrement développées dans les armées. Je n’étais pas vendeur mais ce qui m’a permis de performer est qu’au-delà de ma plus-value, j’étais convaincu par mon offre car j’avais vu ses bienfaits sur moi ainsi que sur ma femme. Le lien avec les Forces Spéciales est très clair : il faut fédérer et seuls les résultats comptent.

Cela nous a par exemple permis d’ouvrir notre premier club de bien-être sur l’île et d’atteindre la tête du classement des meilleurs distributeurs de toutes les îles 2 ans après. Au bout de 24 mois, je gagnais autant en faisant en parallèle des bilans le soir et des séances d’activité physique gratuites et adaptées le week-end avec tout le monde qu’en tant que Capitaine d’armes. Je suis donc rentré en métropole pour démissionner de la Marine et reprendre six mois après le club de bien-être avec ma femme.

Du fait que certains coachs aient quitté le club suite à la reprise, nous devions faire face à des charges importantes dans lesquelles passaient beaucoup de nos économies pendant presque un an (surtout que cela ne m’était jamais arrivé d’être à découvert !). Nous nous sommes donc tournés vers un club plus petit pour diminuer les dépenses et j’ai pris à côté un travail cette fois-ci alimentaire pour retrouver une stabilité financière le temps que le club décolle.

Quels conseils donnerais-tu à des militaires qui seraient sur le départ ?

J’ai commencé à penser à ma reconversion bien avant de partir à Nouméa. J’avais d’ailleurs pu faire à Lorient « Session Bilan Orientation ». A ce titre je conseillerais dans un premier temps de prendre de la hauteur sur son savoir-être, sur son savoir-faire et commencer à mettre des termes civils sur des compétences militaires.

Il faut absolument s’assurer, bien avant de partir, que le choix que l’on va prendre est le bon. Le fait d’avoir testé le projet Herbalife pendant 2 ans avant de quitter l’institution a fait que ce n’était pas un saut dans l’inconnu. Le piège que l’on a en tant que militaire est que l’on attend que cela nous tombe dessus car l’armée est une bulle de confort où l’on nous guide sur beaucoup de démarches du quotidien. Je conseillerais donc dans un second temps de profiter du temps “calme” dans l’institution pour aller chercher de l’information.

Il ne faut pas attendre que cela arrive et surtout s’y prendre au plus tôt. Se poser des questions 6 mois avant de partir est beaucoup trop tard : il faut le faire un à deux ans avant. Tout conseil étant bon à prendre, je recommande aussi de discuter avec des personnes qui ont déjà vécu une reconversion et qui peuvent nous guider dans nos futurs choix si l’on ne sait pas ce que l’on veut faire.

Quelle différence vois-tu entre le monde militaire et celui de l’entreprise ?

Le monde de l’entreprise dispose de ses propres codes et méconnaît celui des armées, il n’est donc pas illogique que des stéréotypes persistent. Pour ma part, l’étiquette d’ancien militaire, qui plus est au sein des forces spéciales, et avec mon physique, un inconnu peut vite penser que je suis un gros bourrin !

Il faut donc savoir s’adapter à ce nouveau milieu et cela passe le discours en évitant des mots comme “affirmatif” ou encore “reçu”. Tout étant assez direct dans les armées, il faut faire particulièrement attention à la façon dont peuvent être perçues ses paroles. De la même manière, lorsque l’on est instructeur à l’armée, tous les stagiaires écoutent, alors que c’est une autre paire de manches en tant que formateur ou que professeur tout simplement. Le monde de l’entreprise se fiche que quelqu’un soit passé par le GIGN ou les Forces Spéciales. Cela ne marche pas toujours comme on le souhaite donc il faut veiller à trouver les bons mots pour interagir avec les différentes parties prenantes, comme les syndicats par exemple.

L’intelligence que l’on a su développer pendant toutes ces années et de savoir s’adapter à toute situation

Il est facile de se faire écouter et respecter dans les armées alors qu’il faut savoir être beaucoup plus diplomate dans le milieu civil. Il s’avère que l’intelligence que l’on a su développer pendant toutes ces années et de savoir s’adapter à toute situation. Bien entendu, l’armée est tellement vaste qu’on ne peut généraliser et comparer par exemple une personne qui a stagné à une personne qui a continuellement cherché à évoluer.

Il est donc important pour un recruteur de creuser l’expérience qu’aura un militaire dont il recevra la candidature. Je le vois dans mon travail aujourd’hui, une personne qui a stagné toute sa carrière comme militaire du rang ne serait pas aussi proactif en entreprise qu’un ancien gradé par exemple. Il n’aura pas eu au sein des armées la même remise en question, le même développement personnel et les mêmes responsabilités qu’un sous-officier ou officier. Mais cela dépend bien évidemment de l’expérience que ce militaire du rang a pu développer en parallèle dans le monde civil ou même de l’expérience qu’il a pu avoir avant de s’engager. Je ne veux en rien stigmatiser ce corps d’armée, j’ai pour exemple pu rencontrer des anciens militaires du rang qui ont eu une excellente reconversion grâce à par leurs qualités intrinsèques.

Selon toi, qu’est-ce qui peut manquer à un militaire qui irait vers le monde de l’entreprise ?

Un biais que des militaires peuvent avoir et que nous avions au CTLO était le fait qu’au-delà de notre famille, nous avions du mal en retour de mission à nous réouvrir aux autres après avoir vécu des mois en vase clos. Or, arriver dans le monde civil sans réseau autre que militaire et familiale peut être pénalisant. Certains restent dans leur bulle et ont du mal à développer leur réseau, préférant ne rester qu’avec leur femme et leurs enfants. Je les comprends aussi mais certains ont vraiment du mal avec cela et il ne faut surtout pas qu’ils partent car ils seraient perdus dans le monde civil.

Il est pertinent de prendre le temps de rencontrer d’autres personnes et d’élargir son cercle de connaissances. Cette ouverture vers l’extérieur passe bien entendu par le conjoint mais aussi dans le fait de rejoindre un club de sport ou encore de s’investir dans une association. Ce sont souvent ces relations qui vont aider à développer une activité à l’issue, par le biais des rencontres. Il en est d’ailleurs de même dans les armées.

Il en était de même en opération à terre où nous nous donnions des services entre forces spéciales de différents pays

L’aisance relationnelle est une chose finalement plutôt bien maîtrisée chez les Commandos en particulier. Lorsque nous arrivions sur un navire, nous nous intéressions rapidement à tout ce que faisait l’équipage et nous créions des liens avec tous (en particulier avec le commis pour des raisons évidentes !). Il en était de même en opération à terre où nous nous donnions des services entre forces spéciales de différents pays : en créant notre réseau, nous nous rendions compte que nous avions tous quelque chose à nous apporter les uns des autres. Cette capacité à créer des relations, en particulier lors d’épreuves difficiles, est une aide importante pour les militaires. Des choses nous marquent à vie mais elles nous aident au fur et à mesure.

J’aime à penser qu’il faut avoir beaucoup souffert pour être heureux, et aujourd’hui je me rapproche de plus en plus du bonheur.

Militaire d’active, vous initiez un projet de reconversion ?

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