Lionel : De militaire à Directeur d’Exploitation dans les travaux forestiers

[Interview de Lionel] De militaire à Directeur d’Exploitation et de Développement dans un groupe de travaux forestiers.

Quel est ton parcours militaire ?

Lors d’une présentation réalisée par un personnel du Bureau d’Information sur les Carrières de la Marine (BICM, ancêtre des CIRFA) dans mon collège, j’ai découvert les Commandos Marine et leur côté “élitiste” qui m’a tout de suite plu. J’avais 14 ans et je savais alors plus précisément ce que je voulais faire. En effet, attiré par le sport et le challenge, je savais dès mon plus jeune âge que je rejoindrai les armées ou les forces de l’ordre.

A 15 ans, je me suis rendu seul dans un BICM afin de connaître la marche à suivre pour devenir commando, ce qui a plutôt fait rire le Premier Maître qui m’a reçu. Il m’a expliqué la difficulté pour rejoindre ce type d’unité mais surtout que j’étais encore trop jeune (il fallait à l’époque avoir 17 ans, six mois et un jour pour intégrer la Marine). J’ai donc pris mon mal en patience et j’en ai profité pour orienter mes entraînements physiques en vue de cette échéance.

Ils n’ont pas réussi à me faire changer d’avis, j’ai donc passé les tests de sélection à l’Ecole des Fusiliers Marins

Je suis retourné à 16 ans et demi au BICM, cette fois-ci avec ma mère. Du fait que je passais à l’époque un BEP maritime, le recruteur voulait m’orienter sur des postes de manœuvrier ou de mécanicien naval mais je lui ai rétorqué, avec un sourire en coin, que je voulais rejoindre les Commandos Marine. Souhaitant que son fils ait un métier d’avenir, ma mère trouvait que les deux perspectives proposées étaient intéressantes. Ils n’ont pas réussi à me faire changer d’avis, j’ai donc passé les tests de sélection à l’Ecole des Fusiliers Marins et le 1er juin 2004, j’intégrais à 17 ans six mois et un jour le cursus de formation élémentaire.

J’étais évidemment le plus jeune (le “bidou” comme on dit dans la Marine) et cela a d’ailleurs continué pendant quelques temps. Je n’étais pas assez mûr physiquement, intellectuellement et psychologiquement, ce qui a fait que j’ai terminé cette formation en milieu de tableau. Suite à cela, j’ai enchaîné sur les 9 mois règlementaires d’affectation en Compagnie de Fusiliers Marins avant d’être autorisé à prétendre au stage commando. J’ai alors rejoint Sainte-Assise, ce qui m’a permis de me rapprocher de mon amie de l’époque qui est devenue ma femme.

J’ai eu la chance dans cette affectation de tomber sur un Premier Maître ancien commando, qui m’a concocté un excellent programme d’entraînement, et mon chef d’équipe, lui aussi commando, m’a guidé sur l’état d’esprit avec lequel il fallait arriver au stage commando et ensuite en unité. Je me suis présenté à la première session du stage commando et avec un petit peu de chance et de réussite, je suis sorti avec le béret vert à mon premier essai à 18 ans.

Sans ça, je ne suis pas convaincu que j’aurais fini car j’avais sous-estimé la difficulté de ce stage

Je n’avais jamais pensé qu’on pouvait aller aussi loin dans l’effort et que notre corps et notre mental pouvaient endurer autant. Très sincèrement, avec une dizaine d’années de recul, je ne le referai pour rien au monde ! C’est une chose qui est accessible lorsque l’on a moins de recul sur certaines choses. 15 jours avant le stage commando, j’ai perdu un frère et cela a fait que je ne pouvais pas échouer. Sans ça, je ne suis pas convaincu que j’aurais fini car j’avais sous-estimé la difficulté de ce stage que l’on a commencé à 126 pour finir à 16 brevetés commandos.

Il s’agissait du stage juste après le célèbre reportage “A l’école des bérets verts” et la ligne de conduite des instructeurs pendant tout ce stage était : “pour ceux qui ont senti une vocation naître avec ce reportage, on va vous faire comprendre que c’en n’était pas une” ! Ce qu’il faut aussi savoir est que beaucoup de candidats viennent avec des parcours atypiques ou des situations de famille compliquées, ce qui fait qu’on veut se prouver quelque chose. La démarche intellectuelle de se faire mal pendant 12 semaines pour obtenir un vulgaire bout de tissu vert est assez anormale.

J’ai ensuite eu la chance de pouvoir intégrer le Commando Jaubert, que je trouvais assez “rock’n’roll” pour ses spécificités en matière de libération d’otages. J’ai rapidement passé les tests pour rejoindre le stage « Opérateur son » ce qui m’a fait partir en formation à Dieuze pendant quatre mois au sein du 13ème Régiment de Dragons Parachutistes (forces spéciales spécialisées dans le renseignement). J’ai rejoint le cours « Chef d’équipe commando » au bout de deux ans et demi pour revenir ensuite dans mon groupe où l’ambiance et la qualité du travail étaient telles que j’y suis resté jusqu’à la fin.

Je n’ai rien bridé ce qui m’a permis d’avoir un rendu exceptionnel en matière de prise d’initiative et de forces de proposition

En effet, sur le plan du management, j’ai eu la chance d’encadrer des personnes avec un caractère et un potentiel énorme. Bien entendu, c’était de la rêne courte car cela pouvait partir dans tous les sens si je laissais un petit peu trop de longueur ! Cependant, je n’ai rien bridé ce qui m’a permis d’avoir un rendu exceptionnel en matière de prise d’initiative et de forces de proposition. Je ne pense pas avoir rencontré de difficulté particulière dans le fait de gérer des nouvelles recrues plus âgées voire plus gradées que moi car j’avais un niveau technique et physique qui était cohérent avec mon statut. J’étais peut-être plus dur mais juste donc cela s’est toujours bien passé. Je suis d’ailleurs resté proche de mon équipe.

Au bout de 4 ans en tant que Chef d’équipe, il fallait que je prenne une décision. Au lieu de passer mon « Brevet Supérieur » à 24 ans pour épouser une carrière classique, j’ai voulu à nouveau me tester et savoir si j’étais à la hauteur pour passer le concours pour devenir officier (j’étais tout jeune promu sous-officier). L’armée est une des rares institutions où un jeune qui est motivé peut rentrer très peu diplômé, accéder assez vite à des postes à responsabilités et monter en grade.

Je me suis entraîné et j’ai finalement réussi le concours officier du premier coup

Je partais d’assez loin donc j’ai dû me faire violence pour lire plus assidûment la presse afin de maîtriser les sujets d’actualité. J’ai aussi suivi des cours à distance pour monter en compétences sur l’exercice de la note de synthèse. De plus, je ne connaissais de la Marine que les Commandos et deux bâtiments sur lesquels j’avais embarqué lors d’opérations, j’ai donc dû aussi assimiler toutes les informations liées au monde de la défense. Mon premier oral blanc était catastrophique : j’ai étalé toutes mes connaissances sans aucune structure ni problématique. Je me suis entraîné et j’ai finalement réussi le concours officier du premier coup.

Au-delà du fait d’être à l’aise à l’oral, ce qui a été déterminant était mon expérience comparé à des candidats qui avaient certes le même âge mais moins de vécu. Sortant fraîchement d’études supérieures, mes camarades de promotion me dépassaient intellectuellement mais n’avaient souvent aucune expérience de la vie. J’avais déjà six ans d’armée dont cinq chez les Commandos et j’étais déjà père de famille, cela change tout.

La formation officier était très enrichissante de par la diversité des élèves : il y en avait qui venaient de Guinée, du Sénégal, d’HEC, des douanes, de la gendarmerie maritime, etc. J’avais été nommé « pistard » (responsable de la promotion), ce qui faisait que j’avais aussi une forme de devoir de transmission ne serait-ce qu’en matière de positionnement en tant qu’officier de marine et des attentes que des sous-officiers peuvent avoir de la part de leurs officiers.

J’ai beaucoup appris de cette vie embarquée où toutes les spécialités se mélangent

A l’issue des 9 mois de formation, je devais réaliser 800 heures de quart pour être validé « Officier Chef de quart ». J’ai d’abord embarqué sur le Lafayette avec lequel j’ai fait une mission Atalante (lutte contre la piraterie), puis une autre mission Atalante sur le Courbet. J’ai beaucoup appris de cette vie embarquée où toutes les spécialités se mélangent. Je connaissais déjà la vie en collectivité mais les comportements et la structure hiérarchique étaient différents. Il y a chez les commandos une ambiance assez stricte avec énormément de respect des jeunes recrues vis-à-vis des chefs d’équipe (qui sont par exemple vouvoyés au début), tandis qu’il y a plus de libertés sur ces bâtiments. Cela fonctionnait et je m’en suis inspiré par la suite.

J’ai ensuite continué ma formation d’officier en intégrant l’Ecole des Officiers Fusiliers Commandos dont la formation se composait d’un tronc commun “fusilier” puis d’un tronc commun “commando”. Je pensais qu’il allait y avoir des passerelles or je devais tout reprendre à la base comme si j’arrivais de nul part, les textes sont assez mal fait. Je peux comprendre qu’on ne puisse pas faire de cas par cas pour des jeunes quartiers maîtres. Mais sur des parcours atypiques comme le mien, il aurait pu être possible de faire différemment ne serait-ce qu’en gestion des coûts. Au-delà du risque de blessure, je ne me suis pas senti valorisé et je n’y trouvais pas forcément mon compte.

Sortant de huit mois et demi de mission embarquée, mon épouse commençait à en avoir marre, surtout que je lui avais vendu le concours officier comme une opportunité pour être plus maître de mon emploi du temps. En définitive, une fois que je suis passé officier, je ne maîtrisais plus rien, mon parcours de carrière était déjà dessiné par l’institution pour les 7 années à suivre.

En rigolant, il m’a proposé un poste de matelot et j’y ai vu une opportunité de remettre de l’équilibre dans mon couple

L’idée de partir a commencé à germer et il s’avère que j’avais, lors d’une mission EPE (protection de navire de commerce en zone de piraterie), sympathisé avec un second capitaine avec qui j’étais resté en contact. Cette personne est entre-temps devenu commandant pour la Sapmer et devait créer un équipage. En rigolant, il m’a proposé un poste de matelot et j’y ai vu une opportunité de remettre de l’équilibre dans mon couple. N’ayant pas encore signé de lien au service avec mon nouveau statut, j’ai cassé mon contrat avec la Marine Nationale.

Qu’as-tu fait sur le plan professionnel à ta sortie des Armées ?

J’ai eu la chance d’arriver à une époque où la SAPMER construisaient plusieurs navires, ce qui faisait que cette compagnie recrutait énormément de marins. J’avais deux concurrents sur cette création de poste : un bosco (maître d’équipage) de 45 ans qui travaillait sur un bateau de la senne danoise et un autre qui était au chalut depuis qu’il était né. Ils maîtrisaient bien plus que moi techniquement mais j’ai réussi à convaincre malgré le fait de ne pas être au niveau.

Je suis alors devenu chef ramendeur sur le Belle-Ile où j’ai trouvé ma place assez vite. Je suis tombé sur un vieux bosco de Groix, un profil assez rustre, le stéréotype du marin pêcheur ! Il m’avait pris en sympathie et donnant énormément d’énergie pour être au niveau, il y a eu une transmission assez saine. Les Commandos Marine n’aiment pas la sensation de ne pas être à leur place donc, en un an et demi, j’ai fait en sorte de comprendre parfaitement qui se passait et pourquoi on le faisait, en deux ans et demi j’étais à ma place, et en trois ans je devenais bosco.

Il fallait alors tout mettre en place : consolider et fidéliser les équipages, créer des procédures, etc.

Pour limiter la casse, la Sapmer m’a alors mis sur un petit bateau de 80 mètres. Il s’agissait d’un navire qui venait d’être construit sur lequel il y avait naturellement des problèmes, il fallait alors tout mettre en place : consolider et fidéliser les équipages, créer des procédures, etc. Je n’ai pas énormément dormi lors de mes premières marées mais cela a été une très bonne école. Je n’étais pas dans ma zone de confort, ce qui fait que j’ai beaucoup appris pour devenir efficace rapidement. En un an et demi, j’ai été promu sur un navire de tête de flotte, le Bernica, sur lequel je suis resté deux ans et demi.

Sans dénigrer quoi que ce soit, j’avais l’impression de sous-exploiter mes capacités intellectuelles et je commençais à avoir envie de prendre plus de responsabilités et de refaire tourner ma tête. J’ai donc voulu me reconvertir après six ans et demi à la Sapmer et cela a commencé par la réactualisation de mon CV.

Comment s’est passée ta recherche d’emploi ?

Cela ne m’intéressait pas de me réinventer dans la sécurité ou la sûreté et je savais quelles étaient mes forces. Je savais gérer des hommes, quelle que soit leur religion ou leur nationalité, et j’étais organisé. Dans ce contexte, les postes liés à l’exploitation étaient pertinents pour moi en matière de planification, recrutement, gestion de personnel et de flottes. J’ai donc orienté mon CV pour faire ressortir mes compétences managériales dans mes différentes expériences professionnelles et je me suis abonné à LinkedIn Premium. C’est d’ailleurs par ce biais que j’ai vu que la Compagnie Océane recherchait un responsable d’exploitation. J’avais une certaine légitimité pour ce poste car j’arrivais du monde des bateaux, ce qui allait me donner plus de crédibilité vis-à-vis des personnes que j’allais manager.

En parallèle j’étais en discussion avec le président du groupe Holtzinger basé dans l’Est de la France. Mais le projet n’était pas mûr en particulier pour ma famille, je venais de quitter une vie professionnelle rythmée par les départs réguliers en mer et ce poste nécessitait que je déménage avec ma famille. J’ai donc après un mois de recherche accepté l’offre de la Compagnie Océane, ce qui m’a mis un premier pied dans le monde de l’exploitation. Mon épouse sentait qu’il me manquait quelque chose dans ce poste. En effet, j’avais le sentiment que j’allais très rapidement maîtriser le poste que j’occupais et je me demandais ce qui allait se passer par la suite car j’ai besoin d’objectifs à moyen et long terme. Je continuais à discuter avec le Groupe Holtzinger et mon épouse m’a alors dit que si je pouvais toujours prétendre au poste chez Holtzinger, elle était d’accord pour que l’on aille dans l’Est. Nous sommes alors tombés d’accord avec Sven Holtzinger (le Président du groupe).

Est-ce que tu peux m’en dire plus sur ton poste actuel ?

Le président du groupe était ami avec le directeur d’une plus petite société dans le même secteur d’activité et qui se trouvait à côté de chez moi. J’ai alors eu la chance de pouvoir d’abord travailler pour lui pendant cinq semaines, ce qui m’a permis de voir tous les postes et de me familiariser avec ce nouveau secteur d’activité que je ne maîtrisais pas du tout.

En allant énormément sur le terrain, j’ai pu découvrir le travail des équipes; quelles étaient leurs contraintes, qu’est-ce qu’elles souhaiteraient améliorer, qu’est-ce qui pouvait leur manquer dans le dialogue social, etc. J’avais aussi un rapport privilégié avec ce directeur, ce qui m’a aussi permis de commencer à me familiariser avec la gestion d’entreprise. Cette immersion a été très bénéfique pour mon intégration au sein du Groupe Holtzinger.

Le Groupe Holtzinger est une entreprise familiale qui a grandi sous l’impulsion de son fondateur, Philippe Holtzinger, et qui compte aujourd’hui plusieurs agences et près de 180 collaborateurs. Le directeur de l’entreprise, qui avait plutôt une teinte commerciale, ne pouvait pas être sur tous les fronts et avec la croissance, il était nécessaire de mieux structurer. Il a donc décomposé son poste en deux entités.: une s’occupant de l’aspect commercial (gestion des comptes clients, appels d’offres, marchés publics, etc.) et une autre pour le côté opérationnel et exploitation, que je dirige.

Je supervise la planification tant pour les hommes que pour les machines que nous déployons. J’ai donc un regard sur tous les recrutements, que ce soit pendant les entretiens mais aussi pour les besoins stratégiques auxquels nous devons répondre, ainsi que sur tout le parc matériel et le développement de matériel visant à améliorer le confort de travail des équipes. Je suis aussi responsable des encours et donc de la rentabilité de nos chantiers.

Comment as-tu su capitaliser sur ton expérience militaire ?

Le sens de l’organisation et la rigueur que j’ai développés à l’armée m’ont été très utiles. En effet, on y apprend très vite à structurer les choses sur le plan opérationnel et à hiérarchiser les priorités. Je pense que l’on est surtout de vrais meneurs d’hommes et ce depuis tout petit. J’étais commando à 18 ans et chef d’équipe à seulement 20 ans, il n’y avait pas de recette miracle et il fallait s’adapter à chacun des membres de son équipe. Un bon chef d’équipe sait quand il peut appuyer plus fort et au contraire, à quel moment il faut relâcher.

Nous sommes aussi exigeants personnellement ce qui fait qu’on peut aussi attendre de l’exigence de nos collaborateurs car on se l’impose nous-même. Ce sont des côtés qui ne sont pas techniquement militaires mais qui font partie de nous : le positionnement, l’attitude, etc.

A contrario, qu’est-ce qui a pu te manquer pour ce nouveau poste ?

Pas mal de choses ! Bien entendu, il me manquait de l’expérience dans ce secteur si particulier. Mais ce qui m’a surtout manqué sont les notions en matière de gestion d’entreprise, que ce soit les encours, les crédits-baux, la fiscalité, etc. A l’époque où j’étais commando, si quelqu’un me demandait comme faire une certaine chose, je trouvais a minima trois solutions possibles. Or je sens que je ne dispose pas aujourd’hui de fondations suffisamment saines sur lesquelles bâtir mes compétences. Nous avons la chance d’avoir une comptable en interne qui m’aide beaucoup mais je pense m’orienter rapidement vers un Master GEA par alternance.

Que pourrais-tu conseiller à un militaire en recherche d’emploi ?

Il faut avant tout mûrir un projet et en être sûr afin d’éviter les déconvenues de changements d’orientation trop réguliers. Bien entendu, tout dépend de la prétention de chacun, de son âge, de ce que l’on veut faire entre un métier alimentaire ou un poste permettant de s’épanouir à nouveau professionnellement.

J’invite donc les militaires à ne pas hésiter à reprendre les études ou au moins à suivre une formation qualifiante

Pour la deuxième option, je conseille de passer un diplôme en alternance une fois que le projet est mûr et abouti. Si j’avais eu l’opportunité de le faire, tout en pouvant subvenir aux besoins de ma famille, je n’aurais pas hésité dans le but d’être tout de suite à l’aise dans mes nouvelles fonctions. Il est peut-être vrai que la société actuelle ne valorise que le diplôme, ce n’était pas mon cas sur mes différents postes mais en revanche, il est important d’avoir un socle. J’invite donc les militaires à ne pas hésiter à reprendre les études ou au moins à suivre une formation qualifiante qui apportera des bases saines pour se construire.

Il faut aussi que les militaires prennent conscience de l’importance de leur réseau. Je ne dis pas qu’il faut qu’ils changent d’amis mais s’ils veulent avoir d’autres opportunités, il faut qu’ils s’entourent de personnes qui viennent d’horizons variés. Il ne faut donc pas hésiter à intégrer des associations et à sortir du cocon dans lequel on est. Pour ma part, les opportunités que j’ai eu ont uniquement été générées par mon réseau.

Comment vois-tu la question de la mobilité pour un militaire en recherche d’emploi ?

La mobilité géographique est une chose que tout militaire connaît, que ce soit dans les forces conventionnelles ou dans les unités de forces spéciales. Le problème est que l’on peut vite tomber dans une zone de confort, par rapport à un bien immobilier ou encore à la proximité avec son cercle amical. Pour le cas particulier des Commandos Marine, le bassin lorientais n’est pas très riche en opportunités pour ceux qui aspirent à des postes à responsabilité avec des salaires importants. La mobilité ne doit pas être un frein.

Bien entendu, c’est bien plus facile à dire qu’à faire, surtout lorsqu’il y a des enfants scolarisés et des épouses avec un emploi. Il faut par contre prendre conscience qu’il existe de très belles opportunités qui ne sont pas forcément à côté de chez soi. Rien n’empêche cependant de revenir plus tard dans sa région lorsque l’on aura plus de cartes en main pour être concurrentiel. En effet, lorsqu’un militaire quitte l’armée, il est directement en compétition avec ses homologues qui ont quitté et qui disposent en l’espèce des mêmes compétences. Sur les 100 profits qui vont sortir par an, peut-être 3 ou 4 vont réussir à faire ce qu’ils désirent car ils savent mieux se vendre, ils sont plus à l’aise à l’oral et ils ont mieux orienté leur CV en mettant habilement en avant certaines compétences.

Pourrais-tu m’en dire plus sur ta vision du premier poste après avoir quitté l’armée ?

Si un militaire décide de s’orienter d’abord vers un poste d’ouvrier, comment pourra-t-il se diriger ensuite vers un poste à haute responsabilité ? Je t’avouerais ne pas comprendre le choix de certains qui, après plusieurs années dans les armées, partent faire agent de sécurité dans des supermarchés. Tout comme les brevets qu’on a pu y passer, l’expérience militaire ne parle à personne. Ce sera donc le premier poste dans le privé qui donnera le tempo pour la suite, c’est en somme la première note de la symphonie.

Il ne faut donc pas avoir peur de ne pas trouver rapidement ce premier poste, surtout qu’en général, les militaires qui quittent le font souvent avec une pension, une prime ou encore les allocations chômage. Je conseille mes amis de prendre le temps de sortir la tête du guidon pour mûrir leur projet et réfléchir à ce qu’ils veulent faire, pourquoi ils veulent le faire, ce qu’ils peuvent apporter à une entreprise et ce qu’une entreprise peut leur apporter, quitte à faire plus attention financièrement pendant une période.

La précipitation qu’il peut y avoir dans le choix du premier poste vient certainement du fait que les militaires sous-estiment ce qu’ils ont réalisé et tous les sacrifices faits pendant ces années données à l’institution. Pendant une carrière dans les forces spéciales, un militaire se remet tout le temps en question, il vit dans un microcosme où le niveau de compétences est plus élevé que la moyenne mais ne s’en rend pas forcément compte. De plus, il est certain qu’il y a aussi une peur de ne pas réussir la bascule entre les deux mondes, surtout que l’on passe d’un monde où l’on était assez assisté, vers un monde où il faut se débrouiller tout seul.

Qu’est-ce qui diffère selon toi entre le monde de l’entreprise et le monde des armées ?

Il s’agit d’un management différent. Le fonctionnement à l’armée fait qu’un équipier ne va pas par exemple remettre en question la place de son chef car s’il en est là, c’est qu’il a prouvé qu’il en était capable. En entreprise, la concurrence est rude, et beaucoup de personnes peuvent vouloir ta place.

Il faut donc savoir être encore plus à la hauteur des attentes de chacun mais aussi être toujours force de proposition car si tu ne montres pas que tu peux évoluer, tu resteras là où tu en es et personne ne sera choqué. Les fameux « choufs mexicains », qui ne faisaient aucun effort et restaient à la même place pendant 15 ans de Marine, n’existent pas en entreprise. Il faut savoir se créer des opportunités, monter continuellement en compétences et montrer que l’on a du potentiel.

Qu’est-ce qui est apprécié d’un militaire en entreprise et qu’est ce qui peut faire peur ?

Le fait de ne pas avoir de première expérience dans le privé peut faire peur. Je peux le comprendre car un militaire qui n’aura professionnellement côtoyé que d’autres militaires ne sera peut-être pas prêt pour un système de management et de pensée différents de celui des armées

Réponse de Sven Holtzinger  :

Le fait que Lionel ait eu avant sa prise de poste une première expérience concluante en entreprise avec la Sapmer m’a clairement rassuré. Au-delà de ça, la rigueur dont font preuve les militaires durant toute leur carrière ainsi que le dévouement et la conscience professionnelle qu’il y a dans ces corps d’armée, sont des éléments qui ne peuvent que conforter un chef d’entreprise. Surtout qu’en recrutant un militaire, une entreprise sait qu’elle pourra se reposer sur une personne qui sait s’engager et évoluer.

Militaire d’active, vous initiez un projet de reconversion ?

1 Commentaire

  1. Bonjour je découvre Pépite. Tout d’abord bravo pour cette carrière et cette reconversion réussie. Il est en effet important de mûrir son projet et repasser par une formation en alternance, lors du basculement dans le civil. Je trouve que des lacunes sont présentes à ce niveau, dès que l’on parle d’une reconversion qui sort des schémas: agent de sécurité, brancardier, etc…

    Il est aussi important de souligné que l’étiquette ancien militaire est très rassurante sur un CV pour ceux qui sont encore en activités et qui se posent la question sur le fait de franchir le pas.

    Articule très intéressant encore une fois, qui me parle personnellement.

    Amitiés, Matthieu
    Ex Marin => cadre commercial ?

    Réponse

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