Benoît : De militaire à Key Account Manager dans le secteur de la distribution

[Interview de Benoît] De militaire à Key Account Manager dans le secteur de la distribution

Quel est ton parcours militaire ?

Ayant mis un terme à mes études au cours de ma deuxième année de BTS “Action commerciale”, je comptais capitaliser sur le fait d’être sportif de haut niveau dans le handball pour effectuer mon service militaire au sein du bataillon de Joinville (accueillant l’équipe de France militaire). Un ami gendarme de mon père, bien mieux renseigné que moi, m’a expliqué à raison que je ne vivrai pas du hand et m’a alors suggéré de faire mon service en Gendarmerie : je ne savais même pas que cela été possible ! A la recherche d’action, j’ai intégré le Peloton de Surveillance et d’Intervention de la Gendarmerie (PSIG) d’Orléans et ce pour une durée de dix mois.

Je ne voulais pas devenir Gendarme pour être comme lui

Malgré une ambiance incroyable avec les 80 gendarmes auxiliaires femmes et hommes faisant comme moi leur service militaire, il y avait dans mon unité un personnel qui m’a écœuré de la Gendarmerie de par ses manières, ses pratiques, sa consommation d’alcool, etc. Je ne voulais pas devenir Gendarme pour être comme lui mais mes camarades m’ont poussé à m’inscrire au concours pour devenir Gendarme, que j’ai passé la fleur au fusil ! Dans l’attente de mon intégration en école de Gendarmerie, j’ai pu pendant 9 mois faire différents petits boulots : relevé de compteurs pour EDF, agent de sécurité, employé de rayon pour des supermarchés, etc.

J’ai rejoint en janvier 1998 l’école de Montluçon pour une formation d’un an. Originaire du Sud de la France, le caractère austère des écoles militaires était assez déprimant. Malgré le fait que je n’étais pas à mon maximum en matière d’investissement et la perte de mon frère d’un accident de moto (ce qui m’a fait remettre beaucoup de choses en question), j’ai tant bien que mal réussi à terminer 83ème parmi les 130 personnes de ma promotion. Il est certain que le fait que mes parents m’aient demandé de continuer pour mon frère et qu’un adjudant commandant de peloton m’ait pris sous son aile m’a beaucoup motivé pour ne pas lâcher.

Pour des raisons de couple, je choisis ensuite de rejoindre Paris pour intégrer la Garde Républicaine. Le rythme de garde de 24h un jour sur deux (avec deux jours de repos au bout du 6ème jour) faisait que les débuts étaient difficiles et que je n’arrivais pas à sortir la tête de l’eau. Il s’avère qu’un gendarme de ma caserne, avec qui je n’avais pas réellement d’atomes crochus (c’était un peu le caïd de la caserne) m’a pris en grippe le jour de la fête du club de la caserne et m’a avec surprise invité à prendre un pot chez lui. Il faisait partie de l’Equipe Légère d’Intervention, le dispositif qui casse des portes le matin au profit de la Gendarmerie Départementale. Ludo m’a avec le recul donné un second souffle : je me suis alors entraîné pendant 7 mois pour tenter de rejoindre cette unité.

J’ai gravi petit à petit les échelons dans cette unité pour passer “bélier” puis intégrer la colonne d’assaut

Malgré les conditions exécrables (les tests ont eu lieu le lendemain de la tempête de 1999), je parviens à réussir les sélections et je me découvre alors une passion pour le métier de gendarme et le monde de l’intervention. “Kinkin”, mon chef de groupe, (à jamais mon mentor) commença à me former et je débutais alors comme équipier de base, c’est-à-dire celui qui se charge de boucler le périmètre pendant l’intervention. Puis j’ai gravi petit à petit les échelons dans cette unité pour passer “bélier”, puis intégrer la colonne d’assaut, et passer progressivement de 4ème binôme à 3ème, 2ème pour enfin devenir le binôme alpha. Binôme entrant en premier lors d’une interpellation domiciliaire, c’était pour moi le Graal ultime.

Toujours passionné par le sport, je décide de passer mon diplôme de moniteur de sport. Avec 6 de moyenne (le 20 correspond aux records militaires nationaux), mes premiers tests blancs étaient catastrophiques mais j’ai eu la chance d’avoir un patron qui m’a fait confiance et m’a accordé du temps pour m’entraîner. Cet emploi du temps m’a permis de réussir les tests en août 2001. Durant les 8 mois d’internat à l’école interarmées des sports de Fontainebleau, j’ai pu passer des diplômes dans une multitude de disciplines : boxe anglaise, instructeur corps à corps, fitness, escalade, etc. Cette formation, qui rassemblait des populations des différentes armées, m’a aussi permis de voir les différences de culture, de rigueur et d’état d’esprit entre chacune des armes.

Au détour d’un déjeuner de retour en unité, je fais la rencontre d’une personne travaillant à la Maison de la Gendarmerie qui me propose de mettre à profit mes qualifications de moniteur de sport durant les colonies estivales organisées pour les enfants de gendarmes : je ne savais même pas que cela existait ! Je me suis alors retrouvé à partir tous les étés de 2001 à 2009 en colonie en tant que moniteur montagne escalade, maître-nageur, etc. C’était humainement très enrichissant car je pouvais partager mes passions du sport avec des jeunes et cela m’a permis de rencontrer des gendarmes venant d’une multitude d’horizons qui faisaient aussi cela l’été.

Après un stage de formation aux missions OPEX, je rejoins Caracas pour ma première affectation

En 2002, je souhaite avoir une corde supplémentaire à mon arc : la protection rapprochée. Je passe donc à 27 ans les tests qui sont encadrés par des membres de l’EPIGN. Malgré le fait d’être le plus jeune (la plupart des autres prétendants ont 40-45 ans et donc une forte expérience), ma bonne préparation m’a permis de réussir les sélections. Après un stage de formation aux missions OPEX (opérations extérieures), je rejoins Caracas pour ma première affectation: une mission de protection de l’Ambassadeur de France au Venezuela.

Cette mission était extraordinaire sur le plan humain. Nous avons eu la chance avec le gendarme qui m’accompagnait de tomber sur un Ambassadeur incroyable. Certaines autorités pensent parfois qu’elles sont invulnérables de par leur statut et n’en peuvent n’en faire qu’à leur tête lorsqu’il s’agit de sécurité. Cet ambassadeur respectait parfaitement nos recommandations, ce qui simplifiait grandement notre travail de protection. Malgré nos mises en garde, sa femme insista un jour pour se rendre avec un prêtre au « 23 de Enero », une des favelas les plus dangereuses du Venezuela dans laquelle nous pouvions disparaître. C’est l’ambassadeur lui-même qui lui fit entendre raison. Lorsque j’ai invité mes parents à venir pour Noël afin de fêter leur 50 ans, l’Ambassadeur a insisté pour les inviter à prendre le champagne et s’est arrangé pour me libérer pendant toute la durée de leur séjour !

Après de nouvelles missions de protection, je me rends compte que l’intervention me plaît de plus en plus

De retour en France au sein du Peloton d’Intervention de la Garde Républicaine, une mission de longue durée à l’Ambassade de France d’Alger m’est proposée : mon souhait de fonder un foyer face à la perspective de passer 3 ans en Algérie m’ont fait décliner l’offre. Après de nouvelles missions de protection dont celle de l’équipe d’Angleterre de Rugby lors de la coupe du monde 2007, je me rends compte que l’intervention me plaît de plus en plus. Je décide alors de m’entourer des meilleurs en tir, muay thaï, musculation, course à pied etc. afin de tenter d’intégrer le GIGN.

Les sélections à Satory se passent plutôt bien jusqu’à une luxation du bras lors d’une épreuve de nuit. Après que le médecin m’ait remis le bras et délivré des médicaments pour que la douleur soit supportable, je décide de continuer. J’arrive à passer les épreuves de la piscine, du parcours du combattant et du mur d’escalade mais c’est lors de la montée d’une gouttière de 25 mètres que mon bras me lâche : échec. Je me retrouve à rentrer avec mon bras en écharpe sans GIGN. Ce fut une blessure psychologique qui était plus importante que la blessure physique car je m’étais énormément préparé et ce pendant plusieurs mois.

N’étant pas gradé, mon âge a fait que j’ai dû à cette période quitter la Garde Républicaine. Je décide donc de rejoindre un PSIG qui bouge, celui de Roissy-en-France : si cela me plaît, je reste, sinon je repasse les tests GIGN. Le secteur du Val d’Oise, avec toute sa faune et sa flore, a fait que cela fut très intéressant. En plus d’être au PSIG, je suis le moniteur de sport du “Groupement Val d’Oise” ce qui fait que j’ai en gestion la formation et les tests sportifs de tous les gendarmes du département.

Pourquoi et quand as-tu quitté l’institution ?

A cette époque, il s’avère que mon petit frère s’est expatrié aux Etats-Unis et je me dis qu’une telle aventure doit être géniale. C’est alors qu’en décembre 2012, mon ami Ludo (celui qui m’avait sorti la tête de l’eau quelques années auparavant) me propose de lancer une affaire à Mexico City, où il vit à présent. Banco, je décide de prendre ma retraite en 2013 avant l’échéance pour la toucher dans sa globalité.

Quelques jours après avoir terminé de vendre tout ce que nous possédions, mon ex-femme m’avertit d’un problème : sa fille lui a dit qu’elle souhaitait se suicider si jamais nous partions. Je décide alors de tout arrêter. Suite à cela, mon ex-femme propose deux conditions au départ : qu’elle puisse rentrer avec sa fille à chaque vacances et que nos fils rentrent une fois par an. Je n’étais pas forcément pour que le fruit de mon travail soit dépensé chez Air France. Avec le recul, je me rends compte que j’étais tellement concentré sur ce projet que j’étais certain que mon ex-femme avait la même envie, ce qui fut un des facteurs de cet échec. Nous nous sommes alors retrouvés à vivre chez mes ex-beaux parents : je devais rebondir et trouver un emploi.

Qu’as-tu fait sur le plan professionnel depuis ta sortie des Armées ?

Je me suis posé pour prendre de la hauteur sur mes qualifications, mes compétences, mes études et ce par quoi j’étais attiré. En glanant des conseils sur internet, j’ai alors fait plusieurs CV : un dédié au secteur de la sécurité, un pour être coach dans une salle de sport et un pour être commercial. Peu de temps après mes premières candidatures, une entreprise d’Albi me propose un poste de technico-commercial et un salaire de 2000 € bruts. Au pied du mur et prêt à toucher un SMIC pour balayer dans la rue, j’ai accepté cette proposition que j’ai d’une certaine manière subie car je n’avais pas le choix.

Il s’agissait d’une entreprise qui répare et reconditionne des bennes à ordures ménagères. J’ai appris le métier en autodidacte tout en capitalisant sur mes erreurs. C’était en 2013 et en y repensant aujourd’hui, je m’aperçois que j’étais très mauvais ! J’arrivais en récitant mon argumentaire commercial, je n’étais absolument pas centré sur ce dont le client avait besoin. Totalement l’inverse de ce qu’il faut faire dans le commerce. Avec le recul, un sas de décompression entre l’armée et le monde civil m’aurait été utile car ce fut un véritable choc des cultures.

Après ces années dans le monde civil, en quoi selon toi le monde de l’entreprise diffère des armées ?

Les militaires sont très formatés et encadrés, il s’agit d’un réel management d’accompagnement. Chacun dispose d’un parrain dans les armées et les gradés sont, durant les formations, continuellement sur le dos des militaires : on ne te lâche pas jusqu’à ce que tu saches. En entreprise, un manager va bien entendu chercher à faire grandir ses équipes sans pour autant les “suivre à la culotte”.

La mentalité et la notion de respect de la hiérarchie sont aussi différentes en entreprise et au sein des armées. Il a manqué le fait qu’on m’explique comment fonctionnait le monde civil. Durant mes débuts en entreprises, j’ai pu voir de nombreuses fois des collègues qui se rebellaient et arguaient en réunion « ça c’est nul”, “ce n’est pas bien”, “on n’est pas d’accord” ou encore “on ne veut pas ». Il m’arrivait alors de leur dire « si vous n’êtes pas content, la porte est ouverte, arrêtez de brailler pour tout ».

Avec un peu plus de recul dans le monde de l’entreprise, je pense que je me suis adapté et que je ne suis plus comme celui qui disait cela 6 ans auparavant !

Nous sommes dans une entreprise où les dirigeants ne sont pas des philanthropes, nous avons des objectifs à atteindre et l’on nous indique le chemin à suivre pour les atteindre, il faut le faire, c’est tout. Avec un peu plus de recul dans le monde de l’entreprise, je pense que je me suis adapté et que je ne suis plus comme celui qui disait cela 6 ans auparavant ! Je reste pour autant profondément respectueux des directives et de la hiérarchie.

Une des différences entre armée et entreprise réside dans les évaluations de fin d’année. Un militaire va, lors des notations annuelles, aborder les points négatifs de ses subalternes tandis qu’en entreprise, un manager va travailler sur les axes d’amélioration durant les bilans annuels. La sémantique n’est pas du tout la même et cela a une importance dans la façon de se valoriser.

Psychologiquement, il faut dire à chaque militaire qui va quitter l’institution que c’est une pépite. Tous les militaires qui partent et se reconvertissent ne vont pas forcément devenir de super commerciaux mais tous ont la possibilité de devenir d’excellents collaborateurs dans le domaine qu’ils vont choisir. Nous ne sommes pas des sous-civils parce qu’on a été militaire. Travailler sur la considération et l’image de soi en quittant l’institution est donc important.

Qu’est ce qui t’a le plus manqué les premiers temps lorsque tu es arrivée dans le monde civil ?

Encore une fois, ce sont les codes de l’entreprise qui m’ont au début beaucoup manqué. Je me rappelle par exemple de mes toutes premières présentations sur Powerpoint où, en bon ancien militaire, j’insérais des animations partout avec des couleurs plus que prononcées. Avec l’expérience, j’ai au final compris qu’une présentation, cela devait être au maximum 7-8 slides, et pour chacun d’entre eux pas plus de 5 informations sous forme de bullet-points. J’aurais adoré à mes débuts en entreprise qu’on me dise ce qu’est une bonne présentation Powerpoint.

Un des codes que j’aurais aussi aimé comprendre plus tôt est la notion de hiérarchie horizontale. Le système de grades et une certaine forme de paternalisme font qu’il y a beaucoup de personnes que tu n’oses solliciter dans les armées. Le monde de l’entreprise, dans lequel on ne porte plus de cravate, est résolument différent ! Tout le monde se tutoie sans pour autant ne pas respecter le statut de l’autre et surtout, il faut très souvent aller pousser la porte d’un bureau qui n’est pas celui au-dessus du tien pour avancer. Les valeurs de respect peuvent être une force mais aussi un frein pour des militaires qui n’oseraient pas, restant parfois dans l’ancrage profond du : « ça je ne peux pas car je ne suis que … ».

Même après toutes ces années en entreprise, je ne suis pas complètement sortie de cela et je pense qu’un très bon accompagnement, qui pourrait être réalisé au profit de militaires en reconversion, serait un travail sur la légitimité. J’ai beau avoir de bons résultats, j’ai toujours une part de moi qui me dit que je n’ai pas fait de grandes écoles de commerce comme mes homologues. Les militaires ont une très bonne capacité de remise en question, mais parfois trop !

Comment as-tu su capitaliser sur ton expérience militaire ?

Un élément sur lequel un ancien gendarme peut se démarquer est l’aisance rédactionnelle. Pour tous les mails et notes que je rédige, je me différencie tout bêtement de mes collègues en relisant mes écrits avant envoi. J’ai dû durant toute ma carrière rédiger des rapports et des procès verbaux d’intervention où il fallait absolument que être structuré (qui, quoi, où, quand, comment) en partant du plus loin pour aller au plus prêt. Cette approche, m’évitant d’avoir un écrit où il manque des mots, où les tournures laissent à désirer et où il y a des fautes, me sert tous les jours. Ce sont ces détails qui me permettent de me démarquer au quotidien et que mes managers, mes clients et mes collègues semblent apprécier.

L’armée restera ma plus belle expérience car cela m’a forgé un caractère et m’a appris des valeurs. Avec le recul, j’ai l’impression que les soft skills militaires sont facilement duplicables dans le monde civil en tant que commercial, et elles tendent à être remarquées par les recruteurs surtout lorsqu’il s’agit de porter l’image de l’entreprise. Un militaire sera toujours respectueux de son entourage et cela passe par des choses fondamentales comme la tenue qu’il va porter, la ponctualité (dans l’armée, quand tu es à l’heure, c’est que tu es en retard !), la courtoisie, etc.

Bien entendu, tout le monde a le droit d’arriver en retard, mais nous avons surtout le devoir de prévenir

Je ne compte plus le nombre commerciaux “Jean-Claude Convenant” que j’ai pu voir porter des vêtements froissés. Ce sont souvent des petites choses qui font une grande différence. Aujourd’hui, certains ne prennent même plus la peine de prévenir lorsqu’ils ne se rendent pas à un rendez-vous. Bien entendu, tout le monde a le droit d’arriver en retard, mais nous avons surtout le devoir de prévenir. Tous ces éléments de politesse sont indispensables pour représenter une entreprise car si cela se passe bien, la personne en face dira « Benoît il est super » mais si cela se passe mal, ce sera l’image de l’entreprise qui en pâtira.

Je pense aussi avoir beaucoup capitalisé sur mes capacités de préparation. En effet, dans tout ce que je fais, j’ai toujours un plan A, un plan B, voire un plan C : comme pour une opération militaire, il n’y a pas de temps à perdre à devoir trouver une solution si quelque chose ne fonctionne pas. Le poste que j’occupe actuellement nécessitant des compétences en anglais, j’ai pour l’entretien préparé une présentation en français mais aussi en anglais. Je m’étais d’ailleurs entraîné avec un coach anglais dans l’éventualité de (il s’avère que tout l’entretien s’est déroulé en français). J’avais aussi mis cette présentation sur une clé USB en cas de panne de l’ordinateur et j’avais imprimé les slides pour chacun des 3 membres du jury au cas où le vidéoprojecteur ait un souci.

Quels seraient tes conseils pour un ancien militaire en recherche d’emploi ?

Je lui conseillerais de se marier à ma femme, car elle est exceptionnelle pour les conseils et montée en compétences ! Blague à part, pour un militaire en reconversion, je lui conseillerais avant tout de mûrir son projet et de le travailler suffisamment en amont de son départ de l’institution. Une reconversion ne se prépare pas deux mois avant la sortie mais au moins un an en amont. Cette période doit selon moi être mise à profit pour faire un bilan de compétences, se former à un futur métier mais surtout apprendre les codes du monde de l’entreprise.

En matière de projet, il faut prendre en compte le fait que c’est très bien d’avoir un métier alimentaire, car cela remplit le frigo, mais cela va vite devenir compliqué quand il s’agira de le faire pendant vingt ans. Dans ce contexte, je ne peux que conseiller de partir tout de suite sur un métier qui plaît et surtout, qui propose de réels débouchés, tant dans le nombre de postes proposés sur le marché que sur les perspectives d’évolution..

Il me semble aussi important de prendre le temps d’échanger avec d’anciens militaires sur leur propre retour d’expérience pour éviter les embûches qu’ils ont pu rencontrer. Autant s’épargner du temps et s’affranchir de candidatures manquées ou encore d’ennuis pour ce qui est de la rédaction d’un CV, d’une lettre de motivation ou d’un entretien de recrutement, dont 90% du succès est dû à la préparation.

Quel est ton périmètre d’activité aujourd’hui ?

J’occupe aujourd’hui un poste de Key Account Manager où je gère pour la France un portefeuille de clients internationaux. Mon travail revient donc à traiter les enjeux français de nos clients transnationaux avec lesquels nous collaborons dans plusieurs pays. Je dois donc arriver à trouver un consensus entre ce que demande le pays d’origine qui prend le lead et ce que me demande ma hiérarchie en France.

Afin de performer sur le territoire français, mon poste me demande de donner des missions à des personnes sur le terrain qui vont m’aider à développer et à implémenter un service chez mes différents clients. Je travaille donc en management transversal car ces personnes ne sont pas mes subalternes mais il faut pour autant que je trouve l’influence professionnelle nécessaire pour qu’elle suive mon sillon pour répondre aux objectifs de mes clients.

Malgré la différence de grade, il fallait que j’arrive à rompre la barrière du galon

Comme abordé plus tôt, j’avais en charge tous les gendarmes du département (dont des colonels) lorsque j’étais moniteur de sport dans le Val d’Oise. J’ai pu y apprendre à gérer des gens et à leur demander des choses sans être leur supérieur : malgré la différence de grade, il fallait que j’arrive à rompre la barrière du galon. Mon seul but était de les faire progresser et de leur faire prendre du plaisir dans la discipline sportive. Mon état d’esprit, ma manière d’encourager, de féliciter et d’accompagner m’ont beaucoup aidé. Un colonel n’a bien entendu pas besoin de moi pour briller mais je suis certain que tout militaire a eu, à un moment donné, à donner des consignes à des gens qui ont le même galon que lui ou bien plus.

Pour que cela puisse marcher, il faut à tout prix être irréprochable et je pense que beaucoup de militaires ont ça en eux. Le roi Sparte Léonidas est d’ailleurs un modèle pour moi en termes d’exemplarité, ce n’est pas pour rien que ces hommes l’ont toujours suivi ! Il ne faut pas que les personnes que je sollicite au quotidien dans mon poste actuel se disent que je leur demande des choses alors que je suis un tire-au-flanc.

Le succès repose aussi sur la valorisation de l’autre. Je fais par exemple des newsletters, que je communique à des strates assez élevées, où je parle des victoires et où je mets en avant ce qui les ont eus pour que cela continue à les booster et pour que cela suscite l’envie de performer chez les autres. Mon objectif est d’arriver à mettre tout le monde dans le même axe et d’avancer dans un but commun : seul on va plus vite, à plusieurs on va plus loin.

Qu’est ce qui fait selon toi qu’un civil peut avoir peur d’un militaire et qu’est-ce qui au contraire peut le motiver à recruter un militaire ?

Un militaire tend à être carré alors que le monde de l’entreprise est souvent très rond. Un candidat issu des armées aura tendance à mettre des angles et je pense que cela peut faire peur à un recruteur. Il s’agit typiquement du genre de pratiques à mettre en œuvre un an avant de quitter l’institution : adopter un discours et une posture appropriée au monde civil. Ce n’est plus « je veux que … » mais « il serait souhaitable que … ». Fendre le moule, c’est peut-être passer une heure par semaine pour travailler sur des entretiens, sur les codes, sur la manière de se présenter, sur le non-verbal, etc.

Au sujet des écueils à ne pas commettre, il y a certes des tutoriels forts intéressants sur YouTube, mais je reste persuadé qu’un militaire préférera un RETEX d’un ancien militaire car il aura confiance en cet ancien frère d’armes même s’il ne le connaît pas. Il est donc toujours intéressant de contacter des personnes hors du processus de recrutement pour les sonder sans langue de bois sur leur entreprise, sur ce qui fait qu’elles y sont, sur l’ambiance entre les collègues, la hiérarchie, le management, etc. Si c’est un ancien militaire qui le dit, ça aura encore plus d’impact !

Un militaire aura beau avoir fait toutes les missions de la terre, jamais il ne tombera sur le même environnement

Pour ce qui est des éléments appréciés, le premier est l’adaptabilité. Que ce soit dans l’Armée de Terre, la Marine Nationale, l’Armée de l’Air ou la Gendarmerie Nationale, il y a des ordres. Le chef dit à son subalterne : « ta mission c’est de faire ça ». Sauf qu’un militaire aura beau avoir fait toutes les missions de la terre, jamais il ne tombera sur le même environnement. Il y aura toujours un facteur qui va faire dévier l’issue de la mission.

J’ai pu faire des centaines d’interventions de nuit sur des différends familiaux entre autres, et elles étaient toutes différentes. Peut-être que c’est monsieur qui a bu, peut-être que c’est madame, peut-être que c’est les deux, peut-être qu’il y a des enfants, peut-être qu’il y a d’autres personnes, peut-être qu’ils se sont battus, peut-être qu’il y a un blessé et qu’il faut appeler les pompiers, peut-être qu’ils vont vouloir se battre avec nous, etc. C’est ce qu’on appelle les cas non-conformes.

Les militaires sont des caméléons car on peut les poser n’importe où

Ma montée en compétences s’est faite en enrichissant ma base de données de toutes ces situations : notre cerveau est une bibliothèque remplie de différents livres. Ainsi, cela permet d’emmagasiner ce qui a par exemple moins fonctionné lors d’une opération mais pour agir d’une manière plus efficace. C’est en ça que les militaires sont des caméléons car on peut les poser n’importe où, ils auront un instinct de survie qui fera qu’ils s’adapteront à la situation.

Le sens de l’adaptabilité se retrouvent aussi avec les différents « types » de personnes avec lesquelles on traite. Le fil rouge que suivent beaucoup de militaires est le respect de l’autre, quelle que soit la personne en face. Selon mon interlocuteur, mon attitude évoluait mais je suis toujours parti du même respect que ce soit envers un Ambassadeur que des jeunes des cités, que j’ai d’ailleurs toujours vouvoyé. Ces valeurs font que les discussions sont de suite bien plus efficaces avec tous les échelons de décision chez mes clients.

Militaire d’active, vous initiez un projet de reconversion ?

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