Emplois dans la sûreté/sécurité : Réelles opportunités pour les ex-militaires ?

Emplois dans la sûreté/sécurité privée : réelles opportunités pour les ex-militaires ?

Nombreux sont les militaires, et tout particulièrement ceux qui ont opéré sur le terrain (forces spéciales, fusiliers, fantassins, etc.), qui projettent à l’issue de leur carrière de se tourner vers le secteur de la sécurité privé. Au-delà de la distinction entre sûreté et sécurité, les tenants et aboutissants de ce secteur ainsi que ses évolutions en matière d’emploi méritent d’être éclaircis.

Sûreté/sécurité : de quels métiers parle-t-on ?

Avant tout, la sûreté correspond à la protection des biens et des personnes face au risque malveillant, tandis que la sécurité a trait aux risques accidentels (incendie, inondation, tornade, etc.). Cette distinction sémantique établie, il est pertinent d’étudier ce secteur d’emploi de manière verticale pour mieux le comprendre. Pour ce faire, la distinction entre les enjeux “opérationnels” et ceux liés à la stratégie est fondamentale.

En matière de stratégie, les postes de Directeur/Responsable Sûreté/Sécurité sont situés au sein des directions générales d’entreprises et souvent rattachés aux directions des risques, des ressources humaines, HSE ou encore de l’immobilier (très peu sont directement rattachés au directeur général). De manière simplifiée, ces postes consistent à définir et à déployer des politiques de protection ainsi qu’à en contrôler la bonne implémentation autour de systèmes de management dédié. Ces profils sont aussi sollicités pour apporter leur expertise et un regard extérieur dans l’arbitrage sur des projets sensibles de l’entreprise et ce, pour limiter l’exposition de l’activité au risque d’actes de malveillance (ex. kidnapping, envahissement de site, etc.).

Pour ce qui est de la partie “opérationnelle”, il s’agit de manière générale de postes positionnés sur le terrain et dont l’objectif est de mettre en œuvre les mesures, actions et moyens définis dans la stratégie de sûreté/sécurité de l’entreprise. Dans ce contexte, il est important de distinguer les emplois en France (ex. Chef de site, Agent De Sécurité, Agent de Protection Rapprochée, etc.) et ceux à l’étranger (Security Manager, Contractor, etc). A noter qu’il existe aussi des postes d’Officier de Sécurité (souvent sur des sites « classifiés ») assez hybride entre opération et stratégie.

En parallèle de ces emplois, a pu émerger un marché de conseil (audit, formation, etc.) composé d’indépendants, de cabinets spécialisés ainsi que de cabinets généralistes de toute séniorité et pâtissant d’un manque de normalisation.

Un secteur en phase avec les compétences techniques développées au sein des armées

Comme évoqué en introduction, on retrouve dans le milieu de la sûreté/sécurité une part conséquente de personnels issus de l’armée, de la gendarmerie, de la police ou encore du corps des sapeurs-pompiers. Ces profils se retrouvent d’ailleurs à tous les niveaux de l’organisation, souvent en lien avec le degré de responsabilités qu’ils ont pu occuper dans leur première carrière.

De par leur domaine d’action, les anciens militaires sont particulièrement sensibles aux enjeux liés à la défense d’assets en prévision ou en réaction à différentes menaces. Il y existait par exemple il y a quelques années la fonction protection/défense (avec les Fusiliers Marins et Fusiliers de l’Air par exemple) dont l’objectif était de préserver l’intégrité des installations sensibles des armées. Les modus operandi qui y sont mis en œuvre (procédures, organisation du dispositif et des moyens, actes réflexes, etc.) se transposent aisément pour des sites civils mais néanmoins sensibles comme les Points d’Importance Vitale.

Que ce soit en France ou à l’étranger, la force d’un ancien militaire sera d’avoir su travailler avec des partenaires extérieurs. Il est donc parfaitement disposé à assurer, pour le compte d’une entreprise, la liaison avec les parties prenantes locales (forces de l’ordre, secours, hôpitaux, municipalités, etc.). De part les multiples déploiements en Opérations Extérieures, les personnels issus des armées disposent aussi de connaissances sur plusieurs régions du monde, tant sur le contexte sécuritaire que sur les spécificités culturelles.

Enfin, bien que la façon de gérer la crise dans un contexte “Défense” répond à des mécanismes complètement différents de ceux du domaine de l’entreprise, un ancien militaire saura être un atout non-négligeable lors d’une crise impactant l’intégrité d’un collaborateur ou d’un site. Formé à agir dans l’urgence sans urgence, un profil issu des armées saura facilement prendre de la hauteur sur les événements pour analyser la situation, anticiper les facteurs aggravants et coordonner les actions de chacun et ce dans la sérénité.

Les indicateurs semblent plutôt au vert pour cette piste d’emploi cependant, les choses ne sont en réalité pas si simples qu’elles n’y paraissent.

Un secteur de la sûreté/sécurité saturé

En matière de stratégie, il faut noter que la vague d’attentats en France en 2015 a accéléré ces dernières années la création de postes de Directeur/Responsable Sûreté/Sécurité. Malgré ce contexte favorable, la dynamique reste moindre en comparaison avec nos voisins anglo-saxons. Les départements dédiés à la sûreté et à la sécurité peinent à se densifier en matière de personnels au sein des directions d’entreprise. Bien que des actions de lobbying soient menées par l’Agora Des Directeurs de Sécurité et le Club des Directeurs de Sécurité en Entreprise entre autres (ex. communication en 2020 autour de la création de valeur générée par la sûreté), peu d’entreprises, hormis les acteurs naturellement exposés comme les Opérateurs d’Importance Vitale, dépassent le schéma du Directeur/Responsable Sûreté/Sécurité avec son stagiaire ou son alternant.

Pour ce qui est de la partie “opérationnelle” à l’étranger, les chutes du cours du pétrole de 2008 et 2014 ont énormément réduit les salaires conséquents qui étaient proposés aux Security Managers employés pour superviser la protection de sites d’extraction et autres plateformes en zone sensible. Au-delà des difficultés à voyager, la crise de la Covid-19 a quant à elle fortement réduit les besoins pour ce type de profil d’où une concurrence encore plus rude (beaucoup d’entreprises n’ayant gardé que le strict minimum de collaborateurs sur zone).

En France, la pandémie de la Covid-19 a provoqué une forte baisse d’activité (due par exemple à l’annulation de grands événements très consommateurs en ressources) sur un secteur déjà fragile sur certains aspects pour les collaborateurs. Cette fragilité vient d’une part des faibles marges pratiquées dans le secteur dues à une forte culture du “moins disant” côté client, ce qui tire naturellement les rémunérations vers le bas. D’autre part, les emplois y sont souvent précaires du fait d’une part importante de missions “one shot” où il est demandé de « partir au coup de sifflet ».

Enfin, il faut noter qu’il s’agit d’un secteur qui cherche encore un modèle pérenne, comme en témoigne la surabondance d’indépendants (beaucoup d’anciens membres des forces de l’ordre et des armées se sont mis à leur compte après la série attentats en France ces dernières années) et plusieurs fusions/acquisitions ces dernières années parmi les grands noms du secteur (Risk&CoAnticip, GeosAdit, SerisAmarante International, ProsegurFiducial, Brink’sTemis, etc.).

Bien que ses “hard skills” puissent intéresser les entreprises du sûreté/sécurité, il est donc important pour un militaire en recherche d’emploi de regarder aussi un emploi en sûreté/sécurité au travers des perspectives qu’il pourra proposer.

Le secteur « sûreté/sécurité » est une solution, pas LA solution

Il est certain que ce secteur peut être rassurant pour un militaire faisant le grand saut vers le monde civil car l’environnement et les repères y sont finalement assez similaires. Cependant, le secteur privé regorge de très belles opportunités demandeuses des “soft skills militaires” et ce au-delà des métiers liés à la sûreté/sécurité. L’exemple de plusieurs anciens militaires interviewés sur ce blog ou qui le seront prochainement ne peuvent que le souligner avec d’anciens matelots, sous-officiers et officiers qui sont parvenus à faire valoir leurs “soft skills” dans des domaines différents de leur ancien emploi mais tout aussi intéressants et épanouissants pour eux.

De par sa formation et surtout son état d’esprit, un ancien militaire dispose d’atouts non-négligeables qu’il pourra apporter en matière d’encadrement d’équipe ou encore d’optimisation des organisations (voir à ce titre l’interview de Sabrina, Responsable RH). Pour celui n’étant pas destiné à des fonctions de management, il est important de garder à l’esprit que ses capacités d’apprentissage assez poussées sont une précieuse qualité qui lui permettront aisément de se hisser techniquement sur un nouveau métier et que son savoir-être sera apprécié tant pour son manager (le fait de rendre compte est une aide majeure pour la prise de décision) que pour l’entreprise qui l’emploie.

Conclusion

Peu importe son grade, tout militaire a rapidement eu à encadrer une puis plusieurs recrues et ce dès son début de carrière. Bien que ses compétences techniques soient parfaitement transposables dans le domaine sûreté/sécurité privée, le militaire est avant tout un meneur d’équipe sachant s’adapter à un nouvel environnement en se donnant les moyens d’être à niveau et répondre aux attentes de son employeur.

Il ne faut donc pas hésiter à, comme disent les anglo-saxons, “think out of the box” et élargir le champ des possibles.

2 Commentaires

  1. « Think out of the box » : c’est bien l’enjeu de la « dé-polarisation » identitaire. Rester soi-même, maintenir sa personne tout en écrivant sa nouvelle histoire, cela passe par une réelle capacité d’attribution de sens dans le nouvel environnement, distancié du précédent !

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  2. Merci pour ce plaidoyer objectif en faveur des militaires et anciens militaires en quête de reconversion dans le monde de la sécurité.
    Il existe d’autres domaines dans lesquels les compétences peuvent s’exprimer, par exemple l’IT au travers de la direction de projet. Trop souvent cantonné à un rôle technique, le chef de projet IT est avant tout un manageur, capable d’animer des équipes pluri techniques, d’appréhender des situations complexes, de décider d’une stratégie, de mesurer les enjeux, enfin d’armer une cellule de crise. En résumé, la vision et le courage sont les aptitudes requises, elles sont souvent mises à l’épreuve dans le métier militaire, elles sont trop souvent negligees au profit de competences techniques dans le monde IT.

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